Kant et le Bonheur

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Kant : Une anti-philosophie du bonheur

Le bonheur chez les Grecs

La tradition philosophique, depuis Aristote, a associé bonheur et vie contemplative (cf. notre analyse de l’Ethique à Nicomaque). Le bonheur se différencie du divertissement, il constitue une affaire sérieuse, une activité valable en soi. Dès lors, le but de tout homme est de rechercher le bonheur, c’est-à-dire à vivre selon la raison. L’homme atteint sa perfection grâce au regard porté sur les réalités divines et intelligibles. Il y aurait donc un lien entre connaissance et bonheur.

Bonheur et connaissance

Or, Kant rompt ce lien entre connaissance métaphysique et bonheur. La Critique de la raison pure montre en effet le caractère illusoire d’une telle connaissance : loin de conduire l’homme au bonheur, l’intelligence spéculative lui inflige les tourments de ses paralogismes et de ses antinomies. L’absence d’intuition rend en effet impossible la connaissance des choses en soi (ou noumène, opposé des phénomènes) et Kant souligne “la perte que la raison spéculative doit subir dans ce qu’elle imaginait jusqu’alors être sa possession“. Il faut démettre ” la raison spéculative de sa prétention à des intuitions transcendantes “, autrement dit dénoncer le dogmatisme métaphysique.

Bonheur et égoïsme

La quête du bonheur, chez Kant, ne peut constituer le mobile d’une conduite morale car elle relève de l’amour de soi, de l’égoïsme du sujet. Néanmoins l’idée de bonheur demeure à l’horizon de sa philosophie pratique. Kant évoque ainsi l’espérance du sujet moral de devenir “digne d’être heureux“. Kant maintient un lien entre vertu et bonheur, en recourant à deux postulats : l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu.

Le désir de bonheur

“Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques”. La raison ne peut donc pas aider à atteindre le bonheur. Le bonheur vient de la faculté de désirer. Et aucune morale ne peut en faire son but, car il n’existe pas de loi concernant le bonheur, seulement des maximes.

Le bonheur est donc séparé de la morale, la doctrine du bonheur doit être distinguée de la doctrine morale. Cependant, elles ne sont pas opposées : le devoir doit primer sur la recherche du bonheur, l’obéissance à la loi morale doit passer au premier plan par rapport au désir de bonheur.

Bonheur et espérance

Pour conclure, le bonheur n’est pas une fin première de l’homme, mais une fin dérivée de la morale : on n’est pas heureux, on se rend digne de l’être. On agit pas moralement pour être heureux, mais en espérant l’être. Cette espérance, chez Kant, se matérialise dans le concept des règnes des fins, lequel renvoie à la liaison systématique des êtres raisonnables ayant obéit à la loi morale. Le bonheur doit donc être ajourné. L’homme doit postuler que vertu et bonheur seront un jour réunis.

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11 Comments

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  4. says: Jean-Marc Chevalier

    A-t-il existé des philosophes comprenant seulement ce qu’est le bonheur, ou toutes les traductions sont-elles totalement ratées?

    Entre les sources évoquant un “souverain bien” dont le sens réel et intelligible est la sérénité, par opposition au mépris, et les autres, je n’ai encore rien vu de concret sur le sujet.

    C’est pourtant simple: le bonheur revient à l’acceptation de la nécessité de ses devoirs, ce qui suppose de déjà les connaître et nous mène au final à nous pencher sur les crises existentielles, en particulier celle de la quarantaine, liée notamment à une société où le travail, rendu nécessaire à fin de domestication, n’a plus guère de sens et entre en conflit avec la remise en question de nos choix de vie passés. Inutile de préciser que ceci constitue le beurre des psy (et psychiatres, donc labos, pour les dépressions pas vraiment traitées) et autres coachs en développement personnel…

    Toute notre société s’oppose par conséquent au bonheur, le modèle consumériste peaufinant le tableau en nous créant des compensations artificielles et nous incitant au narcissisme, dont récemment les réseaux sociaux, qui, au lieu de nous permettre de garder le contact malgré l’éloignement, nous offre des relations sociales encore plus déshumanisée que les MMORPG. Je laisse à chacun le loisir de mettre cette analyse à l’épreuve des constats sociologiques et de comprendre à quel point nous sommes tombés bas en suivant la philosophie républicaine présentée par Platon, largement basée sur l’exploitation des vices individuels (ce qui reste une bonne idée, à condition pour l’État de ne pas démissionner de son rôle politique, impliquant de filtrer les “élites” de façon drastique).

  5. says: Théo Fradin

    Si votre réponse commence par ‘c’est simple’ c’est que vous n’avez qu’une partie de la réponse. Ici je pense que c’est votre vision de votre bonheur, mais est-ce universel?

  6. says: Kerry Jules

    Le bonheur est un concept qui ne peut être qu’éphémère car personne ici bas ne peut être satisfait durablement. On à tous à un moment de notre vie éprouvé de la souffrance de la peine de la tristesse. Ce n’est pas simple contrairement à ce que vous dites…car c’est un concept individuel. Votre bonheur n’est pas le mien et parfois le malheur des uns fait le bonheur des autres. Tous les Hommes sont des philosophes car on a tous une vision de la vie moralement, raisonablement bon ou non. Au final personne n’a raison personne n’a tort dans la philosophie du bonheur car c’est propre à chacun.

  7. says: Julien Morille

    Que diriez vous a propos de ce sujet : Bonheur et dignité sont-ils incompatibles ?

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