Kant et le Mensonge

Le mensonge en philosophie : 3 approches

Emmanuel Kant traite du mensonge dans son court essai intitulé D’un prétendu droit de mentir par humanité, en réaction au texte de Benjamin Constant (Des réactions politiques), lequel défend un droit de mentir par humanité. Avant de discuter les arguments kantiens, reprenons la thèse de Constant :

Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible […]. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui.”

Contre Constant, Kant affirme que le mensonge est toujours moralement répréhensible, que le mensonge n’est jamais juste. Ceci s’appuie sur une conception de la subjectivité. En effet, il fait valoir que toutes les personnes naissent avec une “valeur intrinsèque” qu’il appelle dignité humaine. Cette dignité vient du fait que les humains sont des agents rationnels, capable de prendre en autonomie leurs propres décisions.

Ainsi, selon Kant, le mensonge est doublement répréhensible :

– le mensonge corrompt la capacité morale de l’homme

– il empêche autrui d’agir rationnellement et librement, autrement dit mentir remet en cause la dignité d’autrui.

L’éthique de Kant, son formalisme moral, le conduit à réfuter tout droit à mentir. Une seconde perspective, celle de l’éthique des vertus, soutient également que le mensonge est moralement répréhensible, mais de façon moins stricte que Kant. Les moralistes de la vertu insistent plus sur le développement des qualités des sujets que sur leurs intentions ou le respect d’une règle formelle. Selon eux, l’honnêteté est une vertu qu’il faut cultiver car elle est un socle sur lequel l’homme peut appuyer son développement moral.

L’utilitarisme et le mensonge :

Selon une troisième perspective, l’utilitarisme, le mensonge ou la vérité doit être jugée à l’aune d’un calcul entre inconvénients et avantages. Autrement dit, si un mensonge maximise les avantages d’une situation, l’utilitariste trouve moral de mentir, pire il serait même immoral de ne pas mentir. Le point faible de l’éthique utilitariste est dans l’estimation des conséquences du mensonge, sur lequel l’individu peut se tromper. Mais il est intéressant de noter que l’utilitarisme considère le mensonge comme une option toujours possible. Par exemple, le cas du médecin mentant à son patient sur ses chances de survie, pensant qu’il lui permettra de jouir du temps qui lui reste, renvoie à cette logique utilitariste.

Citations de Kant sur le mensonge :

Car le mensonge nuit toujours à autrui : même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité en général et il rend vaine la source du droit

– La véracité étant un devoir formel de l’homme à l’égard de chacun

– Le contraire de la vérité est la fausseté : quand elle est tenue pour vérité, elle se nomme erreur

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Citation de Stuart Mill :

« c’est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même [dire la vérité], aussi sacrée qu’elle soit, peut comporter des exceptions : ainsi – et c’est la principale – dans le cas où, pour préserver quelqu’un (et surtout un autre que soi-même) d’un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait (par exemple une information à un malfaiteur ou de mauvaises nouvelles à une personne dangereusement malade) et qu’on ne pût le faire qu’en niant le fait. Mais pour que l’exception ne soit pas élargie plus qu’il n’en est besoin et affaiblisse le moins possible la confiance en matière de véracité, il faut savoir la reconnaître et, si possible, en marquer les limites »

Citation de Arendt :

“La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques”

 Citation De Diderot  ;

‘Il n’y a aucun exemple que la vérité ait été nuisible ni pour le présent ni pour l’avenir.”

 

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