L’Art d’avoir toujours raison (résumé)
En cette période de débats politiques, la relecture de cet étrange essai de Schopenhauer, philosophe allemand, a quelque chose de revigorant et permet de cerner les enjeux rhétoriques de ces débats dont l’expression se réduit trop souvent à un spectacle médiatique, alimentés par les media trainers ou spin doctors dont le rôle est d’apprendre aux politiques comment appliquer ces techniques rhétoriques.
Schopenhauer livre dans l’Art d’avoir toujours raison une liste de stratagèmes pour celui qui souhaite convaincre en public. Convaincre ne signifie pas faire éclater la vérité, mais bel et bien vaincre un opposant sur le plan argumentatif. Cet essai fait d’ailleurs souvent référence à la sophistique, telle que Socrate la dénonçait. Mais Schopenhauer n’invite pas son lecteur à mentir, il donne une méthode pour se débarrasser et ridiculiser ses opposants en public. L’Art d’avoir raison est un guide de combat rhétorique, qui ne recule devant rien : ni la mauvaise foi, ni les vices de la raison. Cependant, l’Art d’avoir Raison est un ouvrage sérieux, qui prend pied dans l’anthropologie de Schopenhauer : c’est en effet la nature humaine de l’homme, grosse d’une “vanité inée” à laquelle s’ajoute une “mauvaise foi innée” qui conduit Schopenhauer à écrire ce guide rhétorique :
“La dialectique éristique est l’art de la controverse, celle que l’on utilise pour avoir raison, c’est-à-dire per fas et nefas. On peut en toute objectivité avoir raison, et pourtant aux yeux des spectateurs, et parfois pour soi-même, avoir tort. En effet, si un adversaire réfute une preuve, et par là donne l’impression de réfuter une assertion, il peut pourtant exister d’autres preuves. Les rôles ont donc été inversés : l’adversaire a raison alors qu’il a objectivement tort. Ainsi, la véracité objective d’une phrase et sa validité pour le débatteur et l’auditeur sont deux choses différentes (c’est sur ce dernier que repose la dialectique)”
Les 36 stratagèmes de la dialectique éristique selon Schopenhauer
1. L’exagération : Exagérer les propos de son adversaires, les vôtres paraîtront alors plus raisonnables.
2. L’homonymie : Manipuler le sens des propos de votre adversaire.
3. La généralisation : Généraliser un argument particulier et attaquer ensuite cette idée.
4. la parcimonie : Masquer vos conclusion s jusqu’à la fin.
5. L’utilisation des croyances de votre adversaire contre lui.
6. La déformation des paroles de votre adversaire ou de ce qu’il cherche à prouver.
7. Le questionnement à outrance de votre adversaire, permettant de le déstabiliser.
8. Faire en sorte que votre adversaire soit en colère (une personne en colère est moins à même d’utiliser son jugement)
9. La manipulation des réponses de votre adversaire, pour parvenir à des conclusions différentes, voire opposées
10. Crier victoire même quand vos arguments sont vaincus.
11. En fin de débat, résumer vos conclusions en les posant comme des faits établis.
12. L’utilisation de métaphores qui vous sont favorables.
13. Utiliser une contre-proposition absurde à l’argument de votre adversaire et l’assimiler à son argument.
14. Essayez de bluffer votre adversair, en avançant vos conclusions même si il refuse vos prémisses. Si votre adversaire est timide ou stupide, et si vous vous posséder beaucoup d’impudence et une bonne voix, la technique peut réussir.
15. Éluder une proposition trop difficile à prouver.
16. Pointer des soi-disant paradoxes ou contradictions dans la pensée de votre adversaire.
17. Ambiguïser tous les propos de votre adversaire. Par exemple, s’il parle de Dieu, parlez de « religion ».
18. La négation de la défaite. Si l’argument de votre adversaire est victorieux, ne le laissez pas conclure.
19. Généraliser. Si votre adversaire pointe une faiblesse dans vos arguments, parlez de fiabilité de la connaissance humaine, par exemple, ou en tout cas d’un point incontestable.
20. Piéger votre adversaire en le faisant admettre vos conclusions si il reconnaît un seul de vos arguments.
21. Répondre au mensonge par le mensonge.
22. Mettez en doute tout propos de votre adversaire.
23. Etendre et exagérer les propos de votre adversaire.
24. Utiliser des syllogismes.
25. Contrer les généralisations de votre opposant.
26. Retourner les arguments de votre adversaire contre lui-même
27. En cas de colère de votre adversaire, exacerbez-la
28. Rendre inaudible l’adversaire. Lorsque le public est composé d’individus profanes sur le sujet en débat, lui demander une explication sur un sujet long et technique, afin de le faire âraître compliqué et ennuyeux aux yeux du public.
29. Le déni. Si vous voyez que vous êtes battu, créer une diversion : commencer un autre sujet.
30. Utiliser des arguments d’autorité.
31. Feindre l’incompétence .Si vous ne savez pas répondre aux arguments de votre adversaire, déclarez que votre adversaire croit être plus compétent que tout le monde.
32. Pratiquer l’outrance : associer l’argument de votre opposant à une catégorie odieuse, par exemple l’obscurantisme ou le fascisme.
33. Dissocier théorie et pratique. Réfuter l’applicabilité des arguments de votre adversaire et les renvoyer à des chimères théoriques.
34. Postuler l’incompétence de votre adversaire en postant une question et en ne le laissant pas répondre.
35. Jeter la suspicion sur votre adversaire en lui prêtant des motifs inavouables.
36. Faire glisser les arguments sur un terrain personnel et devenir grossier, voire insultant.
Et y indique t-il comment répondre à l’utilisation d’arguments de mauvaise foi ?
En démontrant par exemple les stratagèmes fallacieux employés ?
Merci pour votre réponse,
la seule chose à faire est de laisser croire l’autre qu’il a gagné, mais soi même garder confiance en soi
la seule chose à faire est de laisser croire l’autre qu’il a gagné, mais soi même garder confiance en soi
Bonjour,
Je rédige un essai sur le politique et la démocratie. Ce message a pour seul objet de vous demander de m’autoriser à y reprendre, tels quels, les 36 stratagèmes de l’éristique de Schopenhauer que vous publiez sur votre site. Ils sont une très bonne grille de lecture pour les débats politiques télévisés!
J’ai déjà publié “La démocratie belge malade de sa particratie. De l’Orange bleue au Fortisgate. Céfal, 2009, 365 p.
Vous faites œuvre utile. Bravo!
Bien à vous
Paul Schmitz (Belgique) ancien prof de math et directeur, licencié en psychopédagogie
Bonjour Paul,
bien sûr. Heureux d’être utile.
Cordialement,
Julien Josset