L’art en philosophie

Le terme art a longtemps désigné les savoir-faire artisanaux, les modes de production et déjà en grec, les termes poiésis et technè recouvraient indifféremment l’activité des artistes et celle des artisans. Néanmoins, l’existence des différents arts dans les sociétés humaines a invité la philosophie, dès son origine, à s’interroger sur eux. Quelle est leur fonction ? Doit-on s’en méfier ?

Dans les faits, l’évolution des arts, et surtout leur diversité rend difficile une définition de l’art au singulier. Car l’art est un terme qui se suffit désormais à lui-même. Aujourd’hui utilisé sans épithète, l’art désigne une forme culturelle qui n’a que récemment été comprise comme autonome, en s’émancipant aussi bien des techniques de production dans sa forme que des religions dans son contenu.

Mais surtout, parler de l’art au singulier implique un jugement de valeur : on ne se contente pas d’englober un certain nombre d’objet – des tableaux, des poèmes, des films etc… mais on comprend ainsi une manière d’être (l’artiste, longtemps assimilé au génie) une manière de faire (la création d’œuvres) et une manière de sentir (l’expérience esthétique)

 

La philosophie de l’art

Art et vérité

Dans La République, Platon considère que l’art, plus spécifiquement la peinture et la poésie, est une activité mensongère, puisqu’il consiste à produire des faux-semblants ; en conséquences, dans une cité idéal, on devrait pouvoir se passer d’artiste.

Pour Aristote, l’activité artistique exprime au contraire un authentique effort de connaissance. Dans La Poétique, il déclare que la poésie est “plus philosophique et plus noble que l’histoire”, plus qu’une description pure et simple de faits singuliers. L’art permet d’atteindre une vérité plus générale que la vérité immédiate. Par ce moyen, l’homme peut parvenir à se connaître lui-même. La finalité de l’art peut alors rejoindre l’ambition de la philosophie.

Une philosophie de l’art qui ne s’élève pas contre l’art, mais qui en pense à la fois la nature et la fonction, sera développée au XIXème siècle dans la monumentale Esthétique de Hegel. Quant à la philosophie de Nietzsche, elle procède à une réévaluation de l’artiste.

L’artiste

Non seulement la finalité de l’art pose problème, mais la définition de l’activité artistique et de l’artiste n’est pas simple. Pour définir l’artiste, il faut s’interroger sur ce que la production des œuvres d’art comporte d’énigmatique. Tant qu’elle a été considérée comme une imitation de la nature, l’activité artistique n’était pas comprise comme création originale. Et l’idée de création est passée tardivement à la métaphysique à l’art.

Pour Kant, la puissance de création de l’artiste réside dans son génie, dans sa capacité d’invention. Alors que la technique procède par l’application d’une science, le génie de l’artiste consiste à produire son œuvre sans posséder le savoir de ce qu’il fait.

Mais être artiste implique aussi une manière d’être et de percevoir le monde. L’existence humaine peut alors devenir esthétique pour elle-même. “L’homme n’est plus artiste, il devient lui-même œuvre d’art”, écrit Nietzsche dans La Naissance de la tragédie.

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L’esthétique

Le Beau

Pour Kant, dans la Critique de la faculté de juger, l’esthétique, est une étude de la subjectivité humaine lorsqu’elle éprouve du plaisir et du déplaisir : le Beau se définit comme “ce qui plaît universellement sans concept”.

Mais cette idée d’une universalité du Beau dépend du privilège accordé par Kant à la beauté naturelle. Dans la contemplation de la nature, le Beau peut-être éprouvé indépendamment des œuvres d’art, ainsi que des époques où elles se situent. Selon Kant, le jugement de goût possède une universalité, mais lorsqu’il se confronte aux œuvres d’art, il risque de perdre ce caractère. Chacun sent ce qu’est la beauté, mais les avis diffèrent sur ce qui est beau. Car le jugement de goût, même s’il semble être strictement individuel, possède un caractère social.

Art et société

Les œuvres d’art possèdent une fonction sociale de cohésion. Elles permettent de relier un groupe humain, elles ont donc une fonction religieuse ; pensons aux tragédies grecques du Moyen-âge. Mais on peut aussi constater que le jugement du goût que l’on porte sur les œuvres d’art a une fonction de distinction, et qu’il sert à séparer des groupes à l’intérieur d’une même société : il y a alors un “bon” et un “mauvais” goût, un goût “vulgaire” et un goût “raffiné”.

La mort de l’art

Avec Hegel, l’esthétique se donne exclusivement l’art pour objet. L’objet de l’esthétique est moins le Beau que la signification des œuvres d’art dans leur diversité. L’art, sous toutes ses formes, est considéré comme le moyen d’expression par lequel la conscience humaine se manifeste historiquement. La dimension historique des expressions artistiques est donc reconnue.

A travers l’histoire, l’art s’est modifié à tel point qu’il a fini par devenir un moyen dépassé : Hegel déclare que l’art “appartient au passé”, ce qui ne veut pas dire qu’on ne produit plus d’œuvres d’art, mais que leur rôle est devenu inessentiel. La “mort de l’art” ne se manifeste pas par un détachement total vis-à-vis des œuvres d’art, mais par l’apparition d’une nouvelle manière de les aborder, plus distanciée et plus savante, que Hegel nomme “esthétique”.

REGARD ELOIGNE: TRAGEDIE ANTIQUE

La nature de l’œuvre d’art

Est-ce que tout peut devenir art ?

Il est impossible de définir l’œuvre d’art de manière unique, car ce qu’on définit comme une œuvre d’art varie selon les périodes historiques. La définition de l’art est historique, et elle met aussi bien en jeu notre rapport au passé qu’à l’actualité. Au début du XXème siècle par exemple, lorsque le mouvement Dada se proclame “anti-art”, Marcel Duchamp inventa le “ready-made” en proposant que n’importe quel objet puisse être arbitrairement baptisé œuvre d’art. Il choisit par provocation un qu’un urinoir soit considéré comme une sculpture et soit exposé comme telle. La valeur et la signification de l’œuvre d’art deviennent alors extrêmement problématiques. Aujourd’hui, on peu se demander quand, par exemple, on peut dire d’une photographie c’est de l’art.

L’œuvre d’art et le sacré

Depuis Platon, l’œuvre d’art apparaît comme une réalité intrigante : elle n’a par elle-même qu’une réalité inconsistante, car elle n’a de sens et de valeur que relativement à ce qu’elle “mime”, à ce qu’elle imite sans l’être. Ainsi, un masque est inquiétant parce qu’il simule quelque chose en dissimulant une réalité ; dans un cérémonial magique, il est un accessoire porté pour manifester autre chose.

Plus généralement, les œuvres d’art, tant qu’elles restent perçues comme des fétiches comme des objets magiques ou sacrés, ne sont pas encore appréciées comme œuvres d’art. Le chrétien qui prie devant un crucifix n’est pas là pour admirer (voire pour critiquer) le travail de l’artiste qui l’a sculpté.

La valeur culturelle des œuvres d’art s’est déplacée en situant le sacré dans l’œuvre elle-même, et non pas dans ce qu’elle signifie. Pour Walter Benjamin, l’œuvre authentique dans sa matérialité est reproductible, mais son “aura”, sa valeur culturelle, tient au caractère unique de son apparition.

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique

La photographie, le disque possède l’avantage de nous familiariser avec une multiplicité d’œuvres qui, sans cela, nous resteraient méconnues. La reproductibilité technique des œuvres d’art les rend plus disponibles, même si elle leur fait perdre leur aura. Cette nouvelle approche des œuvres qui nous est offerte nous invite, selon André Malraux, à constituer un “musée imaginaire” plus vaste et plus riche que tous les musées existants. mais la médiatisation des œuvres d’art remet en cause la perception que nous avons d’elle et le charme qu’elles sont susceptibles d’avoir sur nous.

Fontaine, L'Oeuvre Clé De Marcel Duchamp - ICON-ICON

En résumé

L’art interesse la philosophie parce qu’il met en jeu, de Platon à Nietzsche, une réflexion sur l’être : l’œuvre d’art, qu’elle séduise ou non par sa beauté, convie encore à s’interroger sur la réalité et à la distinguer de l’apparence immédiate. L’art peut devenir un moyen d’atteindre la vérité : si on l’a condamné comme producteur d’illusions, on peut aussi le considérer comme le révélateur d’une vérité impossible à percevoir autrement. Longtemps indissociable de la religion, l’art a pu ensuite faire l’objet d’un culte autonome, mais ce culte semble menacé par la production industrielle des biens culturels. La réflexion philosophique sur l’art a été relancée par l’importance des mutations techniques de reproduction. Elle est aussi stimulée par les révolutions artistiques qui ont profondément modifié l’art au XXème siècle.

 

Définitions particulières de philosophes sur l’art :

– L’art selon Aristote : “L’art (technè) est une certaine disposition accompagnée de règle vraie, capable de produire (Ethique à Nicomaque)

– L’art selon Kant :

  • “L’art se distingue de la nature comme faire d’agir ou effectuer en général et le produit ou la conséquence du premier, l’ouvrage se distingue de même des effets de la seconde. L’art, habileté de l’homme, se distingue aussi de la science (comme pouvoir de savoir) (Critique du Jugement)
  • “Les Beaux-Arts sont les arts du génie” (Critique du Jugement)

– L’art selon Schopenhauer : “L’art est contemplation des choses, indépendante du principe de raison” (Le Monde comme Volonté et comme Représentation)

L’art selon Nietzsche : “L’essentiel dans l’art, c’est qu’il parachève l’existence, c’est qu’il est générateur de perfection et de plénitude. L’art est par essence affirmation, bénédiction, divinisation de l’existence” (La Volonté de Puissance)

– L’art selon Heidegger :”L’essence de l’art, c’est la vérité se mettant elle-même en oeuvre” (Chemins qui ne mènent nulle part)

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HEGEL : Cours sur l’esthétique

 

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30 Comments

  1. says: Caelia.F

    sarr ngagne says: “j’aime la philosophie”
    Ce commentaire a besoin d’une argumentation pour devenir pertinent.

    Je ne suis qu’en partit satisfait de ces argument qui propose un premier paragraphe pertinent qui néanmoins demande un approfondissement, et peut satisfait des situation selon mois sembles hasardeuse et sans avis, point de vue ni explication.

    L’art est très difficile a définir, selon moi elle est relatif a notre rapport avec la contemplation, la réflexion et la critique.

  2. says: iragi

    je suis philosophe congolais et je pense que la définition de l’art n’est pas hors de la culture dans la quelle on se trouve car pour les unes c’est utilité et pour les autres la contemplation…

  3. says: lolitadu0111

    la congolexicomatisation des lois du marché est un bon sujet philosophique

  4. says: Anonyme

    Que faite vous de l’art contemporain ? a t-il réellement pour but la beauté? n’est ce pas plutôt le sens qui est recherché?

  5. says: JeanV

    Impressionnant, que de réflexion dans ce propos. Aies au moins la pertinence de proposer une définition au lieu d’occulter celles que proposent d’autres philosophes (au sens éthymologique). Pour ma part, l’art correspond à l’équilibre entre technique, contemplation et sens.

  6. says: Leuz ibn

    L’art ne pourra être défini que dans son objectif de vouloir montrer la beauté la vérité et le bien

  7. says: Anonyme

    Je n’ai peut être pas assez d’appuis car je n’ai probablement pas suffisamment de facteurs mais je pense que l’Art dans un premier temps réside dans notre perception de la “beauté”, c’est un concept qui englobe des milliers de fenêtres ouvertes sur ce qui chante à l’artiste, à lui de faire germer tel ou tel émotion chez l’observateur. Son but va être de le manipuler en s’appuyant sur des détail qu’il aurait voulu mettre en valeur. Ainsi nous pouvons répondre,( en surface et approximativement bien sur) a deux question, une œuvre d’art est une fenêtre sur le monde, le rôle de l’artiste va être d’y placer un filtre. (en percevant, un traduisant sa perception, puis en l’insérant dans “l’esprit” d’autrui.) Pour ma part, l’Art est donc une passerelle entre le “moi”(universelle évidement) et l”autrui”, autre que les mots (trop peut, hasardeux, inexactes) , qui pourraient être interprétés comme la preuve de notre incapacité à nous comprendre. L’Art serrait donc un mode de communication aux nuances beaucoup plus fines et nombreuses, à l’impacte plus brutal, plus profond.

  8. says: Dany mong

    L’art serait pour moi l’esthétique beauté du sujet à développer son sens de création .rien n’est plus beau que l’inspiration c’est donc dire que l’inspiration c’est l’art la plus absolue qu’il existe,la plus créatrice et idéal car à chaque nouvelle inspiration se dégage une nouvelle invention.

  9. says: brandnew

    La philosophie c’est la connaissance sur tt ce que vous pourrais imaginé, lart est different que la philosophie.

  10. says: cinetikgais

    l’art est le fruit de toute contemplation sensitive. mais cependant celle ci répose d’une part sur l’agréable qui s’appuie lui s’appuie sur la sensibilité de individuelle et d’autres part elle repose sur le beau qui lui reste absolue et universel.

  11. says: jac

    l’art s’éloigne de la technique par l’absence de la connaissance de ceux qui le contemple , lorsque l’humain pourra recréer la nature il n’y aura plus d’art, tout sera technique.

  12. says: Hanne

    Pour moi l art est l’ ensemble de tout ce qu’ englobe la beauté naturelle et la culture tourner vers le sens émotionnelle et éducatif

  13. says: Koko

    Arthur
    04/03/2019 at 17:53
    L’art est-il une technique ?

    Oui, c’est une technique.. Pour les grecs, Artiste signifiait Maitre dans n’importe quel metier..

  14. says: ELDORADOKERS

    Chacun à son point de vue pour la question qu’est-ce que l’art car comme pour les œuvres, l’art peur toucher tout le monde mais d’une façon différente pour chaque individu, l’art est comme la parole est cette une façon pour une être humain de s’exprimer et comme la parole, le sens qu’un artiste donne à une oeuvre ne sera pas forcément le même que comprendra la personne qui la voit. C’est pareille pour l’art. L’art est universel et indéfinissable objectivement, c’est mon point de vue.

  15. says: Bourourou djamel

    L’art serait -il cette manière dont nou.
    s percevons le monde qui nous entour, et celui qui , nous habite;et que nous tentons souvent ,d’exposer à l’autre , sans jamais réussir de façon parfaite…?

  16. says: jcohmega

    Bien sur que l’art est définissable sinon il ne serait pas l’objet de tous ces commentaires! Mais ses définitions sont multiples et dépendent du point de vue, lequel doit nécessairement être précisé lorsqu’on veut en donner une définition, fût-elle une définition négative du genre “on ne peut pas définir l’art”.
    Il faut peut être rappeler d’abord les deux points de vue primordiaux dans la définition de l’art:

    – le point de vue de la production de l’art – point de vue du Faire. Qu’est-ce qui fait qu’un objet est consensuellement défini comme une œuvre d’art et le sépare de l’artisanat ou de l’industrie? Ce premier point de vue doit pouvoir être ‘objectivement’ défini car sans quoi, aucune ‘protection’ d’œuvre d’art n’a de sens: inutile de mettre ces objets dans des musées pour les conserver comme témoignage, inutile de les restituer le cas échéant.
    – le point de vue de la contemplation d’une œuvre d’art, de sa perception – point de vue Intellectuel. Qu’est-ce qui fait que j’éprouve des sentiments, pas nécessairement positifs d’ailleurs, en contemplant une œuvre d’art? Qu’est-ce qui fait qu’une œuvre d’art ‘exprime’ quelque chose en moi? Ce deuxième point de vue est éminemment subjectif et dépend de la culture et de l’éducation que l’on a reçu. Il demande apprentissage et ouverture d’esprit.
    Ne pas oublier enfin qu’il s’agit d’une anthropologie, que tous les points de vue sur l’art disent quelque chose de l’Homme au sens universel et que, dans ce sens, l’art est un moyen d’expression de l’espèce, différent du langage, mais avec sa grammaire et son vocabulaire.

  17. says: Thomas Dupont

    L’art est le passage de représentations subjectives à la matérialisation, dans l’objectif de rendre effectif un sentiment ou une opinion, il peut donc être contemplatif ou conceptuel.

  18. says: Daudré

    Et moi je suis peu satisfaite de remises en cause tellement pleines de fautes d’orthographe et de français qu’elles en sont incompréhensibles !

  19. says: FoxTrot

    Et moi je ne suis pas du tout satisfait de ta contestation de la remise en cause. Celle-ci manque en effet de recul pour prendre suffisament de distance afin d’appréhender le propos général derrière les (certes nombreuses) fautes d’othographe et de syntaxe ainsi que de l’humour suffisant pour comprendre l’ironie que pointe notre comparse sur le fait que notre commentateur originel ait donné un avis si court sur le sujet demandant pourtant tant d’élaboration et d’abstraction qu’est la philosphie.

  20. says: Michele Marchand

    De toutes façons votre argumentaire est tellement hors de propos que vous n’auriez sans doute rien compris même s’il avait été au fait de l’orthographe. Qui est selon moi un attrape nigaud. On n’a qu’à l’apprendre par cœur l’orthographe et hop! Pas de réflexion là. Pas de grande gloire non plus. À bon entendeur salut!

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