Le Désir : Perspectives Philosophiques, Socio-écologiques et Psychologiques

 

Introduction

Le désir, tel qu’il est défini, est un sentiment allant de l’incommodité à la nécessité d’obtenir l’objet d’une éventuelle satisfaction – il est donc un inconfort plus ou moins intense que nous ressentons lorsque nous souhaitons obtenir quelque chose. Des désirs nous en avons tous, et ce depuis la plus tendre enfance durant laquelle nous apprenons pour la plupart à devoir nous contenter d’une bien maigre satisfaction de ces derniers, amenant notamment aux caprices désobligeants de ces jeunes âmes insatisfaites. Cela est en réalité tout à fait cohérent car toute portion aussi grande soit-elle de nos désirs exaucés ne représenterait qu’un grain de sable face à l’infinie étendue de ces derniers dans leur ensemble. Cette portée par ailleurs, conséquence de notre capacité à désirer encore et toujours plus sans nulle césure, Platon la retranscrit dans Le Banquet et en explique l’origine : « Ce que l’on n’a pas, ce que l’on est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour. » – l’objet du désir, lui-même objet de l’amour, est le manque, et nous comprenons désormais en quoi nos désirs sont infinis car si nous désirons ce dont nous manquons, d’une part nous n’avons jamais ce que nous désirons mais toujours ce que nous désirions du temps ou cela nous manquait ; et d’autre part, des choses qui nous manquent en soit ça n’est pas rare et il suffit de faire preuve d’une particule d’imagination pour le comprendre ou alors de cataloguer toutes ces expressions du conditionnel qui permettent aux éternels insatisfaits que nous sommes, d’envisager être mieux ou avoir plus. Par cette description rationnelle du désir, nous pourrions le trouver fourbe à bien des égards, il nous fait sournoisement et discrètement courir après notre queue sans que nous ne puissions jamais l’atteindre.

Face à cette vicieuse valse incessante, que devrions-nous faire ? Ne plus désirer ? Cela ne se peut simplement car nos désirs sont une part de ce que nous sommes et, une partie d’entre eux, tout bonnement nous font vivre – Epicure le décrit par ailleurs dans son tableau des désirs, où il identifie trois catégories de désir que voici : les désirs naturels et nécessaires – se nourrir, s’abreuver, dormir… soit les besoins qui sont les seuls qu’il faille satisfaire car ils nous maintiennent en vie ; les désirs naturels et non nécessaires – se reproduire, manger bien, boire bien… soit les jouissances qui sont futiles en cela qu’elles sont excédentaires ; et finalement les désirs non naturels et non nécessaires comme le pouvoir, la richesse, la popularité qui sont des vices à proscrire selon Epicure car ils n’amèneraient qu’à l’avidité, qui constitue un poison de l’âme. Cette expression catégorique du désir qu’Epicure nous décrit s’accompagne de maximes de sagesse qui, si nous les suivons, nous éloigneraient des troubles de tout ordre, ce qui constituerait le souverain bien de la vie humaine. Il écrit à la fin de la Lettre à Ménécée :

« Médite donc tous ces enseignements et tous ceux qui s’y rattachent, médite-les jour et nuit, à part toi et aussi en commun avec ton semblable. Si tu le fais, jamais tu n’éprouveras le moindre trouble en songe ou éveillé, et tu vivras comme un dieu parmi les hommes. Car un homme qui vit au milieu de biens impérissables ne ressemble en rien à un être mortel. »

 

I. Le désir, source de vices ?

Epicure, aux travers de la Lettre à Ménécée, écrit un véritable manuel de vie et de sagesse dont la recette, si elle est suivie, permettrait de nous élever au-dessus des Hommes par la sagesse. Il retranscrit notamment une pensée bien tranchée sur le désir, lequel se devrait d’être rigoureusement examiné et réprimé s’il n’est pas nécessaire. Les différents courants de pensée qui parcourent la Grèce antique et leurs proches descendants rejoignent pour beaucoup ces grandes lignes directrices, coercitives envers le désir, élevant le sage au rang d’érudit surplombant la masse des Hommes, remettant en question la nature même de l’Homme et mettant en lumière toute son avidité et plus généralement, tous ses vices. Un mouvement philosophique qui s’illustre sur cette voie est celui du stoïcisme, dont l’une des principales figures historiques, Epictète, prononça un adage fort de sagesse sur le désir et la liberté : « Ce n’est pas par la satisfaction du désir que s’obtient la liberté, mais par la destruction du désir. » – Cela pose la question de la liberté. Quand sommes-nous libres ? Sans trop réfléchir, il serait commun pour beaucoup de penser que nous serions libres dès lors que nous pourrions faire ce que nous voudrions, soit suivre allèchement les diverses voies du désir qui s’offrent à nous sans nulle forme de restriction. Ce constat natif sur la liberté, lorsqu’on y réfléchit un instant, nous apparait comme assez subversif, idéaliste et pour le moins égocentrique et la seule possible réalité dans laquelle nous serions véritablement libre de ce postulat serait celle de nos songes. L’approche d’Epictète est pour le moins différente de celle-ci, il ne voit dans le désir aucune forme de liberté mais bien plus une sorte d’enchainement dans une prison dorée, un enchaînement à certaines actions parfaitement téléguidées par notre désir et qui nous rendrait, en fin de compte, non moins libre qu’un bagnard ou qu’un goret courant après une carotte. Celui qui prend du recul sur ses désirs et se refuse à les suivre aveuglement, celui-là seulement peut être considéré comme étant libre, du moins dans ce schéma, car celui-là est à ce point libre qu’il dompte l’infini démesure de ses désirs et prend l’ascendant sur ses tentations. L’Homme, contrairement au reste du règne animal, est en mesure de prendre du recul sur les motifs premiers qui guident communément l’action du vivant, ce que Sigmund Freud appelait les pulsions et que nous pourrions qualifier d’instinct de manière plus générique. Et en cela l’Homme est bien unique, c’est pourquoi nous pouvons dire de l’Homme qu’il est libre, en négligeant l’aspect poétique qui est parfois accorder aux oiseaux, ces derniers n’étant pas moins guider par leur instinct que le reste de la biosphère. Ensuite, à nouveau sur le désir mais à propos du bonheur cette fois-ci, Epictète dit : « Ne désir que ce qui dépend de toi. » – « Il ne dépend pas de toi d’être riche, mais il dépend de toi d’être heureux. », La véritable sagesse serait celle de ceux qui pensent et agissent conscients de leurs propres limites dogmatiques et sans les excéder ; ce raisonnement est certainement l’un des plus intuitifs du stoïcisme – ne pouvant pleinement accorder notre confiance ni aux autres ni au monde, lesquels sont hors de notre contrôle, mais pouvant à l’inverse nous l’accorder pleinement à nous-mêmes, le choix le plus sage qui en découle de toute évidence est tourné vers la plus totale des certitudes, celle qui concerne les choses qui dépendent de nous. Pourquoi ? Simplement car les choses qui dépendent de nous sont par définition modulables par nous et donc si l’une de ces choses nous déplait, nous rend triste ou malheureux, il nous suffirait de la changer ou de nous en destituer, d’en changer sensiblement ou radicalement notre approche. Pour approfondir ce raisonnement, nous poursuivrons à partir d’une citation des Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle, une autre figure importante du stoïcisme :

« Ce qui trouble les Hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur les choses. Ainsi, la mort n’est rien de terrible, car même à Socrate elle serait apparue terrible, mais le jugement que nous en faisons, qu’elle est terrible – voilà ce qui est terrible. »

De cette citation nous retiendrons une chose essentielle étant que nous devons guider nos jugements sur l’axe de notre raison, ne pas considérer certaines choses comme étant plus ou moins que ce qu’elles sont, la mort n’est en soit rien de terrible et c’est bien davantage la représentation que nous nous en faisons qui l’est, liée ou bien aux conséquences que la mort d’un autre puisse avoir sur nous, ou bien encore à l’idée de la mort violente et douloureuse qui, pour beaucoup, suffit à nous glacer le sang. Mais en fin de compte, nous ne subissons jamais les effets de la mort directement, tout ce qu’elle est pour nous n’est que représentations extérieures. Epicure adopte une approche similaire de la mort dans la Lettre à Ménécée :

 

« Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d’horreur, la mort, n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc la mort n’existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu’elle n’a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus. »

 

Voilà pourquoi la mort n’est ni terrible ni à craindre, ces tourments n’étant finalement que le fruit purement imaginaire de notre jugement. Il en va de même pour tout autre chose qui soit extérieure à notre spectre de certitude, lequel se situe seulement en nous. Ces choses extérieures n’ont de valeur que celle que nous leur attribuons et c’est en cela qu’il faut travailler – la mort, la popularité, le pouvoir ou la richesse reposent sur l’incertain, propre au monde et aux autres, la valeur fixe que nous leur cédons n’a rien d’une assurance mais au contraire n’est qu’un pari risqué qui n’a de concret que le danger qu’il porte, c’est pourquoi nous devons axer notre jugement de telle sorte à éviter ce danger, comme le suggère la raison.

 

II. Le désir, phénomène incontournable

L’ensemble de ces maximes cochent toutes les cases de la sagesse propre aux grands sages que l’imaginaire collectif a construit et elles peuvent traduire chez les lecteurs diverses réactions, de l’admiration à la vive aversion en passant par la totale indifférence, dépeignant le tableau d’une vie bien sillée au milieu du vaste brouillard que constitue notre existence. Celui qui suit ce sillage n’a aucune raison d’être inquiet car sur cette voie dégagée par la certitude qu’il a de lui et de ce qui dépend de lui, il est tel un être omniscient, non car il sait tout du monde et des autres, mais car il s’affranchit des futiles incertitudes que ces derniers génèrent. Néanmoins, de ces doctrines nous ne pourrions qu’en tirer une opinion et éventuellement quelques enseignements que nous verrons ensuite. Il ne sera ainsi pas envisageable de nous y appliquer rigoureusement pour des raisons contextuelles, l’époque, la société, la culture, l’éducation, la constitution physiologique, les dispositions psychologiques, l’entourage, le cadre de vie… Tant de facteurs qui éloignent toujours plus la réalité de ces grands sages des modernes que nous sommes et ce pour des raisons foncièrement subjectives. Lorsque pour eux certaines de ces conditions les ont faits penser d’une pareille manière plutôt qu’une autre, les conditions qui sont les nôtres, c’est-à-dire une époque bercée par le confort dû à l’essor des énergies fossiles, cause de l’industrie du loisir, de la consommation, du digital ou de la santé, cause aussi d’une société rythmée par la mécanisation, le métropolisation ou la mondialisation, auront un impact sur notre approche de la sagesse. Ce contexte rapporté sur les facultés individuelles et les parcours personnels avec lesquels nous évoluons nous font de toute évidence orienter notre pensée différemment. La sagesse se cultive dans la représentation que nous construisons de notre réalité et dès lors que cette dernière fluctue, alors la sagesse la suit nécessairement. Les procédés de réflexion et d’objectivisation qui accompagnent la sagesse ne changent pas mais ce sont davantage les objets de ces procédés qui changent et donc nécessairement les conclusions que nous en tirons. La sagesse de nos ancêtres, en tant qu’elle nous apparaisse comme autant idéaliste, nous semble conséquemment hors d’atteinte, du moins dans sa totalité. Si pour beaucoup nous ne sommes pas convaincus d’adhérer pleinement en pratique à ces maximes, cela ne nous préserve pas d’en tirer certains enseignements, qu’ils aillent dans le même sens ou non mais des enseignements tout de même. Combien d’entre nous par exemple suivent leurs désirs sans en questionner l’intérêt réel et sans peser à long terme les impacts d’une telle voie sur leur vie ? Ceux qui courent après le pouvoir, l’argent, la popularité jusqu’à ceux qui courent après l’amour ou la réussite, toutes ces choses ne sont pas mauvaises en soit mais il faut en prendre du recul pour ne pas tomber dans l’excès poussé par l’obsession, l’aliénation ou l’avidité, éviter de ne voir plus que cela, de se négliger soi, de négliger sa volonté pour son désir. Tant de choses nous manquent à beaucoup et cela, nous l’avons vu, ça n’est pas rare, ne serait-il pas plus sûr de jouir de ce qui est plutôt que de courir sans cesse après ce qui n’est pas ? Encore une fois, cela n’est pas nécessairement mal, les objectifs, les ambitions, les rêves, tout cela appartient foncièrement à l’Homme et ont bâti les nombreux acquis techniques, moraux, sociaux et sociétaux du monde moderne ; mais cela génère plus que tout des attentes pour les individus, de l’espérance dans des choses qui, d’une part plus ou moins variables, ne dépendent pas de nous, et déposer sans mesure notre espoir dans des choses incertaines c’est prendre le risque que notre espoir se fane et meurt, causant malheur et désespoir déchirant.

André Comte Sponville rapporte la parole d’un psychanalyste qu’il a rencontré, ce dernier lui dit à propos de son expérience professionnelle : « L’espérance est la principale cause de suicide. » – du fait que ceux qui vont jusqu’à s’ôter la vie sont principalement ceux qui plaçaient dans le monde, dans les autres, l’espérance et la confiance d’être à la hauteur de leurs attentes. Ce qu’il faut retenir de cela est qu’il faille toujours, par prudence, garder un fond de méfiance du monde, qui nous est indifférent, et des autres, qui peuvent nous être indifférents, les apparences étant parfois trompeuses. Ce discours ne vise pas à bâillonner l’amour, lequel se base plus que tout sur une « je ne sais quelle confiance » et c’est en cela que l’amour est fort et beau, en cela qu’il est souhaitable et même admirable à certains égards, il saura asseoir sa raison face à la raison, ce que tous ceux qui ont déjà été passionnés comprennent parfaitement ; il nous faudra parfois nous abandonner dans l’autre ou dans le monde pour trouver ce fameux bonheur, qui est tant convoité qu’il est mystérieux. L’amour toutefois, démontre fortement l’intérêt pour nous d’acquérir cette sagesse car si pour nous sa présence est des plus belles expériences, sa perte est assurément des plus profonds malheurs et rien ne garantit de l’amour qu’il soit perpétuel, pas plus que le reste. Toutefois, même de cette sagesse il faut prendre nos distances, non encore car elle serait mauvaise en soit mais car le fanatisme ou l’idéalisme aveuglent la raison et de pareille manière qu’en amour, perdre notre prudence c’est risqué de nous perdre nous-mêmes. La méthode d’apprentissage d’une philosophie se doit par ailleurs d’être particulièrement différenciée de celle d’une science, là où l’apprentissage d’une science sera fondé sur des systèmes d’axiomes que de brillants penseurs ont établi au cours de l’histoire, soit des règles qui seront considérées comme indubitables et qu’il nous faudra aveuglement accepter, la philosophie repose sur la confrontation des idées et des pensées, lesquelles sont toutes plus ou moins différentes. Une science se vaut par son universalité, une philosophie par son individualité et c’est là toute la différence, comme le dit brillamment Kant : « Il n’y a pas de philosophie que l’on puisse apprendre, on ne peut qu’apprendre à philosopher. » et cela passe bien sûr par la lecture des grands auteurs mais avec toujours l’examen critique qui nous est propre. Nous abandonner à la pensée d’un autre c’est prendre le risque de taire notre propre volonté pour la sienne. De la sagesse archaïque, il faut en dire quelques mots en commençant par une éclairante citation de Montaigne dans Les Essais : « Tant sage qu’il soit, mais enfin c’est un Homme, qu’y a-t-il plus caduque et plus de néant. » – le sage, le savant, l’ignorant ou le croyant, tous ces titres qui ne se valent que lorsqu’un Homme les porte et en cela ils se valent tous. Comme énoncé dans la Bible, pour tous les Hommes de tout temps : « […] tu es poussière et tu retourneras à la poussière. » – c’est là le même destin du sage comme du truand, du savant comme de l’ignorant et du riche comme du pauvre. Et il faudrait être bien idéaliste ou isolé pour espérer que la raison nous préservera toujours du malheur et son troupeau d’émotions, pour penser que dans un monde impermanent, l’esprit ou le corps puissent trouver la constante quiétude que la sagesse délivrerait. Enfin, il faudrait être bien porté par l’aisance pour faire preuve d’une aussi sage sobriété ou simplement contraint par la servitude, la maladie ou la pauvreté pour se refuser de tirer profit de notre force désirante, ce que d’autres grands penseurs, non moins sages mais bien plus réalistes, avaient compris : « Le désir est l’essence même de l’Homme, c’est-à-dire l’effort par lequel l’Homme s’efforce de persévérer dans son être. »Spinoza ; « Le désir est l’unique force motrice. »Aristote, des temps reclus une fois encore mais une pensée cette fois plus objective et surtout plus abordable dans le mode de vie qui est le nôtre.

 

Au fond, par quoi notre quotidien est-il rythmé ? Lorsque nous sommes poussés à exécuter telle ou telle action, sur quel motif déclenchons-nous le mouvement de notre corps, de notre esprit ; le grand polariseur de ce questionnement sera vraisemblablement le devoir, nous nous levons car nous devons nous lever, généralement pour aller travailler. Mais cela n’a en réalité jamais suffit à faire se lever qui que ce soit et pour mieux comprendre cela, transposons ce raisonnement sur d’autres actions plus primaires : nous mangeons car nous devons manger pour vivre, nous buvons car nous devons boire pour vivre – il nous faut ici déterminer l’origine même du devoir, dans ces deux situations, si nous devons nous y appliquer, c’est simplement pour vivre mais aussi et surtout, nous devons nous y appliquer car nous désirons vivre. Ceux qui par exemple n’ont plus ce désir de rester en vie, ceux qui donc se laissent mourir, traduisent parfaitement cette origine du devoir dans le désir – ne désirant plus vivre, ils s’affranchissent de ces devoirs essentiels. Nos devoirs ne s’expriment qu’à travers le motif implicite que font naitre nos désirs, et pour reprendre le propos initial, nous devons nous lever pour déclencher l’entreprise de notre désir et c’est ici la fin que nous trouvons derrière chaque devoir, du travail par exemple comme de la sustentation. Le travail, qui est certainement le devoir le plus courant et explicite, retranscrit parfaitement cette course au désir, lequel peut être porté sur l’égard des autres, nos parents, nos proches, nos supérieurs, nos enseignants… il peut également porté sur le gain, l’argent ou autre qui traduit pour nous une forme de confort mais il peut aussi simplement être une question de satisfaction personnelle, un travail qui nous passionne par exemple. Il n’y a pas de devoir sans désir pas plus qu’il n’y a de motivation sans lui, il est le cœur de toutes les actions de tous les Hommes et quelque corps qui s’en abstient est un semblant de corps sans vie. Plus généralement, il n’y a pas de vie sans désir ni de désir sans vie, la vie et le désir sont co-dépendants en cela que la vie engage le désir et le désir entretient la vie. Ainsi, réprimer nos désirs c’est réprimer notre force vitale qui s’exprime à travers eux et même si les messages de sagesse qu’ont bâti nos ancêtres portent de nobles valeurs, cela ne doit pas retirer à l’Homme son appétit prononcé pour l’objet de ses désirs car c’est par leur reflet sur l’espace diffus de son esprit qu’il se met en mouvement. Le désir ne doit pas être perçu comme une fin en soi mais comme le moyen le plus efficace de nous épanouir dans la vie. Satisfaire ses désirs est tout au plus important selon leur nature, en avoir en revanche est essentiel par nature et non seulement ceux qu’Epicure décrit comme naturels et nécessaires mais bien au-delà des désirs qui peuvent ne pas être nécessaires en tant que tel mais qui, dans ce qu’ils nous font mettre en œuvre par intérêt pour ces derniers, sont nécessaires pour vivre mieux. La sagesse, de même que le désir, ne doit pas être perçue comme une fin en soi, mais comme le moyen le plus efficace d’être heureux, et la philosophie en est certainement le meilleur interprète. Sagesse et désir sont deux moyens de nous épanouir et d’être heureux dans la vie car ce sont là les fins véritables vers lesquelles chacun se hâte, la philosophie quant à elle, est une méthode que nous employons dans ce travail. L’action de cette méthode, philosopher, est donc un travail en soit, celui de l’esprit dans une certaine approche de la vie qui tous deux nous sont propres, André Comte Sponville dans L’amour, la solitude, nous en fournit une courte définition très éclairante : « Philosopher, c’est penser sa vie, et vivre sa pensée. » – et il décrit également la philosophie dans son ouvrage : Le bonheur, désespérément : « La philosophie est une pratique discursive, qui a la vie pour objet, la raison pour moyen, et le bonheur pour but. Il s’agit de penser mieux pour vivre mieux. » – pour ceux qui souvent questionnent l’intérêt de la philosophie, de manière très pertinente par ailleurs, en voici génériquement les enjeux, à noter toutefois qu’elle n’est qu’une approche de la vie parmi tant d’autres et également qu’il y a, comme préciser plus tôt, presque autant de philosophies différentes que de penseurs de la vie, autrement dit d’humains. Cette définition toutefois est des plus englobantes et également des plus pertinentes et des plus parlantes. Montaigne par exemple expliquait plus implicitement : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » – en cela que, étant conscients de notre mort à venir, il nous faut abondement nous épanouir dans la vie comme nous nous y appliquerions à une expérience unique dont nous savons pertinemment qu’elle prendra fin tôt ou tard. Ce que nous enseigne et surtout ce que nous permet la philosophie, lorsque nous nous y appliquons, ce n’est point d’être un bon sage, mais d’être un bon vivant qui sait user de sagesse pour vivre mieux. Cela fait du désir qu’il ne gangrène pas l’Homme qui en connait les atours et lui permet au contraire de s’épanouir davantage dans la vie, lorsqu’il sait employer son désir comme une force et qu’il cesse donc de le voir comme une simple convoitise.

 

III. L’origine du désir

Jusqu’ici, nous avons détouré nos désirs, nous avons examiné en détail leurs effets sur nous et peser l’intérêt qu’ils portent dans nos vies.  Nous avons vu avec Platon qu’ils se déclinaient à l’infini, avec Epicure et le stoïcisme, qu’ils étaient sources de vices et qu’ainsi il faudrait nous contenter d’une poignée d’entre eux seulement pour être préservés durablement du malheur. Toutefois, et c’est là la finalité que nous avons atteinte à partir des citations de Spinoza et Aristote, nos désirs agissent en nous comme une force motrice fondamentale et nous en priver, nous priver de l’idée et du travail que nous exécutons à travers eux, serait impensable, très contraignant et ne nous préserverait jamais durablement du malheur. Bien que ce fût une approche particulièrement pertinente que de nous intéresser à ce qu’ils sont pour nous, il nous faudra tôt ou tard nous intéresser aux origines mêmes du désir lui-même ; qu’est-il réellement ? D’où vient-il ? La réponse la plus simple est qu’il viendrait de notre cerveau, mais pour approfondir, nous nous intéresserons au striatum, une zone cérébrale caractérisée par ce que nous nommons le système de récompense. Lorsque nous envisageons un désir comme réalisable, mieux encore, lorsque nous touchons à l’accomplissement d’un de nos désirs, nous ressentons une certaine satisfaction plus ou moins intense ; lorsque nous mangeons de délicieux plats, lors de la stimulation sexuelle, lorsqu’on nous félicite sur nos actions, lorsque nous pouvons enfin nous prélasser après une journée de dur labeur et ainsi de suite… Tous ces exemples d’objectifs, s’ils sont accomplis, nous procurent du plaisir et cela résulte d’un processus neurochimique qui a lieu dans notre striatum, lequel sécrète une certaine hormone appelé dopamine lorsque ces objectifs se concrétisent. La dopamine est appelée communément hormone du plaisir et nous comprenons donc d’où vient cette satisfaction à l’accomplissement de nos désirs, le système de récompense agit de telle sorte que pour une certaine action qui s’exécute dans l’accomplissement de nos désirs, de la dopamine soit sécrétée, nous donnant cette fameuse force motrice propre à eux. Les principaux axes que suivent nos désirs sont : nous alimenter, nous reproduire, obtenir un statut social, assimiler des informations sur notre environnement et tout cela en minimisant nos efforts un maximum. Tout désir s’illustre à minima dans l’une de ces grandes catégories mais cela pose d’importants inconvénients. Tout d’abord, la nature éphémère de ces plaisirs, qui sont tous limitées en pratique, c’est-à-dire qu’une seule action ne suffira pas à les entretenir durablement – en général, la demi-vie de la dopamine, c’est-à-dire le temps qu’il faut pour que la moitié de la dopamine soit éliminée, est d’environ une à deux minutes. De cela nous déduisons que ces actions doivent se répéter inlassablement dans le temps, d’où cette idée d’infini propre aux désirs. Ensuite, le plaisir procuré par l’objet d’un de nos désirs diminuera au fur et à mesure qu’il se répète, c’est-à-dire que notre striatum secrètera moins de dopamine pour une même action, ainsi, nous ressentirons de moins en moins de satisfaction pour une même action – manger toujours la même chose, avoir un rapport sexuel toujours identique, revoir sans cesse la même chose, refaire sans cesse la même chose, tout cela provoque indéniablement l’ennui, la lassitude et nous pouvons tous témoigner d’une inclination naturelle à la diversité, à la nouveauté, plutôt qu’à la platitude de la routine – nous retrouvons ici la notion de démesure propre aux désirs. Cela a pour conséquence que nous désirons d’une part toujours plus mais surtout toujours plus intensément donc nous souhaitons une croissance sur la quantité et la qualité de nos désirs, ce qui d’évidence pose d’énormes problématiques physiques, parfois éthiques, d’autres fois sanitaires.

Prenons quelques exemples concrets et qui parleront à tous, manger de la nourriture grasse et riche en calorie, consommer des aliments riches en sucres, fumer des cigarettes, consommer des drogues ou de l’alcool, toutes ces choses stimulent notre circuit de la récompense, donc notre striatum, par la présence dans leurs constituants de certaines substances dites psychoactives. Les substances psychoactives altèrent l’humeur, le comportement, la perception et les fonctions cognitives et elles mettent souvent en jeu, comme ici, le circuit de la récompense qui pousse à la consommation toujours plus intense et toujours plus abondante de ces substances. La conséquence majeure à long terme sera la dépendance, ce que nous appelions l’excès dans la première partie, et les effets d’une dépendance seront toujours néfastes pour la santé, plus ou moins, ce qui nous conviendrons, n’est pas une bonne chose. Dans d’autres cas, nos désirs nous font agir indépendamment, voir même à contresens, de la morale, c’est-à-dire l’ensemble des interdits que l’on s’impose à soi dans l’intérêt de l’autre, ce que nous nommons institutionnellement l’éthique. Ceci est particulièrement vrai concernant les désirs qui, par nature, repose sur l’égard d’autrui – popularité, pouvoir ou richesse, soit des désirs qui sont dépendants des autres ; combien ont menti pour maintenir une certaine image auprès des autres, combien ont menti pour accéder ou rester au pouvoir, profitant de la crédulité populaire ou juste de l’ignorance du peuple,  combien encore ont bâti leur fortune aux dépens des plus modestes, faire une supputation de tous ces actes immoraux donnerait des ordres de grandeurs faramineux. Toutes ces problématiques sont les différentes faces d’un même cube central des civilisations humaines, et particulièrement prononcée pour la nôtre. En effet, dans notre civilisation modernisée, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville et la majeure partie des populations restantes y sont étroitement connectés, en ajoutant les échanges numériques, qui connectent indirectement les ruraux au reste du monde, il ne reste à l’échelle qu’une poignée de communautés qui vivent réellement coupées de la modernité. Ce que nous appelons modernité réside dans les différents apports dû à l’essor des énergies, particulièrement les énergies fossiles, cela comprend tout système qui contribue de l’apport abondant d’énergie dans l’articulation de ses activités et cela s’illustre particulièrement bien dans les villes et ce à quoi elles sont reliés. Pour faire le lien avec le désir et le striatum, il nous faut rappeler ce à quoi nous aspirons à travers lui : nous alimenter, nous reproduire, obtenir un statut social, assimiler des informations sur notre environnement et minimiser nos efforts. Nous alimenter n’a jamais été aussi simple que dans notre civilisation moderne, l’industrie agroalimentaire, la mécanisation des cultures, l’élevage intensif, les différents mécanismes d’échange entre les villes, entre les pays, la grande distribution, le marketing de masse et d’autres encore y contribuent pleinement. Nous reproduire, ou plutôt alimenter notre désir sexuel, a également bénéficié grandement de l’essor énergétique qui a bâti la modernité, l’axe principal sur lequel il se développe est le numérique, avec majoritairement l’industrie pornographique, les différents sites et les différentes applications de rencontre, la démultiplication des échanges par les réseaux sociaux avec d’autre part, la croissance démographique et la croissance de la densité démographique dans les villes, qui ont ensembles fortement augmenté et intensifié les échanges entre les individus et donc les possibles relations charnelles en conséquence, nous retrouvons également le marketing qui sous différents aspects entretient le désir sexuel des populations. Obtenir un statut social n’a jamais été aussi simple, il nous suffit de constater le vif intérêt que suscite l’industrie du divertissement, par les différentes plateformes comme les réseaux sociaux, les plateformes de streaming, le cinéma ou simplement les médias de toute nature – tout cela tourne autour de l’accroissement des échanges propulsé en grande partie par l’essor du numérique et donc des énergies. Assimiler des informations a également été grandement simplifié par l’essor énergétique, internet en est certainement le meilleur exemple mais nous pouvons également citer l’accroissement des échanges culturels et intellectuels proportionnel à l’accroissement des lieux d’échanges de même nature, comme les écoles de tout niveau, les bibliothèques, les conférences, les musées, les salons culturels et ainsi de suite… La croissance démographique de l’Humanité n’a jamais été aussi forte que depuis ce siècle et demi passé car la production est montée en flèche, permettant plus de prospérité, ce que nous retrouvons par ailleurs de manière très explicite aux travers de ce que nous appelons les « Trente glorieuses », période d’après-guerre s’étalant jusqu’aux dernières décennies du 20e siècle. Cela a donc indéniablement impacté les échanges intellectuels et culturels entre les individus. Enfin, tout ce qui a été mentionné ici contribue fortement à minimiser nos efforts mais ce qu’il faut absolument mentionner concernant cela est la translation des efforts de l’Homme vers les machines, qui ont pris le relai dans les secteurs les plus pénibles ou les tâches les plus pénibles, notamment dans les secteurs essentiels au confort caractéristique de la modernité, avec l’essor des énergies, il y a eu un essor de l’automatisation et de la robotisation de l’industrie ainsi que de l’agriculture, soit les deux premiers secteurs d’activités, qui sont aussi les plus pénibles, le dernier étant les services, le moins pénible, vers lequel la majeure partie des actifs se sont tournés au cours du précédent siècle. Cela a considérablement augmenté le confort des populations ce que nous constatons parfaitement avec la mise en place d’Etats dits de providence dans les pays qui ont connu leur révolution industrielle – un Etat de providence peut être décrit simplement comme un Etat qui met en place différentes mesures sociales pour le confort de sa population ; moins de travail, aides sociales, grande redistribution, normes de travail plus avantageuses, meilleurs salaires…. Ce qu’il faut comprendre ici est que nous vivons dans une époque qui repousse sans cesse les normes de nos désirs, la productivité massive dû à l’essor énergétique a complètement bouleversé nos modes de vies, ce que le striatum ne prend évidemment pas en compte pour traduire chez nous une quelconque sagesse. Par cela, nous sommes poussés à consommer toujours plus sur tous les plans pour entretenir notre striatum. Ces nouvelles normes qu’a fait émergé la modernité reposent donc sur l’essor énergétique et principalement l’essor des énergies fossiles mais ce que nous sommes pour beaucoup limité à nous représenter comme important dans ce système, c’est l’argent. L’argent est pour la grande majorité des individus la condition qui nous fait accéder aux multiples conforts de la modernité, à juste titre par ailleurs car sans argent nous n’irions pas loin.

Toutefois, ce modèle de représentation est erroné car il base la modernité sur l’économie monétaire tandis qu’elle est en réalité basée sur l’économie globale. Ce que nous appelons économie est trop souvent rapporté à l’économie monétaire alors que l’économie se définit davantage dans une organisation, une gestion des ressources de manière plus générale. Lorsqu’on parle économie, on parle argent, alors qu’il faudrait parler de ressources, de ce que Jean Marc Jancovici, ingénieur, enseignant et conférencier français nomme : les flux physiques. Le principal inconvénient de ce modèle de représentation est que par lui nous voulons toujours plus d’argent, pour satisfaire toujours plus notre striatum, sauf que nous négligeons par cela que l’argent sans ressources n’a plus aucune valeur et que ce modèle systémique nous amènera tôt ou tard à être dos au mur. Ce discours semble être en opposition avec ce qui a été conclue en amont sur le désir, cependant, ses enjeux sont tout autre et viennent s’ajouter à la susdite pensée. La force motrice que nous sommes en mesure de déployer par notre striatum ne doit pas nous asservir et nous aveugler mais nous devons au contraire nous en servir en tout âme et conscience, avec lucidité et parcimonie dans l’optique de changer individuellement les modèles de représentation qui se rapportent à nos modes de vie, cela passe par l’usage d’une autre région cérébrale, le cortex, que nous verrons ensuite. Ce que Jean Marc Jancovici souligne notamment dans ses multiples interventions médiatiques et dans ses ouvrages est que notre modèle civilisationnel court à sa perte, il fonctionne en se basant sur une croissance constante ce qui, d’évidence, n’est pas physiquement viable dans un monde limité comme le nôtre. Cette croissance constante fait écho à celle que nous constatons au sein même de notre striatum et cette corrélation traduit vraisemblablement une relation de causalité, nous voulons toujours plus donc nous produisons toujours plus, nous sommes toujours plus nombreux, donc nous consommons toujours plus et donc une fois encore, nous produisons plus. La production, nous l’avons vu, passe d’abord par l’exploitation des ressources qui tous deux articulent un circuit toujours plus important de flux physiques mais tout ceci a un coût non négligeable pour la planète. Si pour beaucoup ce qui a été présenté ci-dessus est inédit, il est toutefois plus répandu d’être conscient du dérèglement climatique, que ce soit par la médiatisation ou simplement par nos sens, nous en constatons les premiers effets notables dont l’origine est indubitablement l’Homme et il convient de préciser l’Homme moderne (Cf : dernier rapport du GIEC). Il y a néanmoins un décalage frappant entre être conscient mais passif et être conscient et actif, beaucoup d’entre nous sont conscients mais passifs – autrement dit qui admettent la véracité du dérèglement climatique mais qui, pour autant, n’y voient pas une condition suffisante pour changer de train de vie. La seule condition qui puisse significativement faire fluctuer nos modes de vie reste l’argent ce qui, nous l’avons vu, est une vision erronée du problème. Le fond du problème est d’ordre social, chacun considérera que sa fin, à travers son mode de vie, justifiera les moyens qu’il y emploie, c’est-à-dire que ceux qui prennent la voiture, ceux qui prennent l’avion, ceux qui achètent des produits bon marché mais avec une forte empreinte carbone derrière considéreront leur cause comme légitime du fait que les éventuelles alternatives demandent beaucoup d’efforts, parfois beaucoup de sacrifices. De plus, le contraste entre l’aisance de certains, les plus riches notamment, et l’austérité des autres, les plus modestes, accentuent cette discorde sociale. Nous constatons cela avec l’usage des jet privés, qui ne représentent qu’une faible portion des émissions globales de gaz à effet de serre (GES), surtout si nous les comparons aux émissions du trafic aérien dans sa globalité, ou du trafic automobile, mais leur usage rebute les plus modestes qui y voient un manque flagrant d’effort de la part des plus riches, qui sont pourtant plus aptes à les faire. Ces efforts, Jean Marc Jancovici les divise en deux grandes catégories : la sobriété, qui est une réduction choisie des moyens, et la pauvreté, qui est une réduction subie des moyens – cela explicite bien le rôle que jouent les mieux lotis dans la marche vers la résolution et l’effort collectif, car ils ont pour beaucoup l’embarras du choix tandis que les plus modestes n’ont que peu d’alternatives si ce n’est aucune.

Cette problématique sociale, si nous l’ajoutons à la problématique environnementale (les ressources) ainsi qu’à la problématique psycho-physiologique (le striatum), nous fait obtenir un système délétère qui va amener sans cesse à plus de souffrance subie, c’est-à-dire de pauvreté.  L’argent qui nous est si chère perdra sa valeur en même temps que les ressources s’épuiseront et donc si personne ne se résout à faire quelques efforts maintenant, la force des choses les y poussera tôt ou tard, et ce sera douloureux pour beaucoup. La conclusion que nous en tirons, sur nos désirs, reste inchangée mais se précise dans un contexte spécifique ; notre force désirante, si elle est inconsciemment employée, n’amènera à rien de bon – de la dépendance à l’oisiveté écologique, elle biaise naturellement notre responsabilité qui naît dans la conscience des enjeux réellement importants pour le long terme. Nous disposons toutefois d’une arme cérébrale qui agit en régulateur si tant est que nous décidions d’en user, cette arme c’est le cortex cérébral. Le cortex cérébral est, de manière simplifiée bien sûr, le premier facteur d’intelligence humaine, c’est lui qui est derrière nos capacités intellectuelles, celles qui ont fait de l’Homme ce qu’il est dans le règne animal – il est également l’instigateur de notre capacité à créer de la conscience, cette même capacité qui permet l’art et la technique de l’Homme. Son inconvénient toutefois est qu’il demande de laborieux efforts de réflexion et de travail, tant par l’étude et l’assimilation d’informations que par la connexion qu’il nous faille établir entre elles. Par cela, nous n’en usons pas toujours de la meilleure des manières surtout quand il s’agit d’anticiper le cours des choses ce qui le rend, à lui seul, fortement limité dans l’étude de systèmes complexes tel que les enjeux de notre modèle civilisationnel. Toutes ces contraintes reposent sur un travail considérable de nos facultés intellectuelles et ces efforts, nous l’avons vu, sont en contradiction avec notre striatum, qui préfère largement s’en passer – l’assimilation d’information est certes l’une de ses aspirations mais cette dernière sera toujours partisane du moindre effort. A noter que notre striatum est très primaire à lui seul, il préfèrera les actions simples mais efficaces aux actions complexes et laborieuses – en ce qui concerne la prise d’information, il favorisera les schémas mentaux courts et intuitifs à ceux plus longs et discursifs, nous retrouvons cela de manière très explicite dans ce que nous appelons les biais cognitifs. Les biais cognitifs sont des tendances ou des erreurs de raisonnement qui peuvent se produire de manière automatique et inconsciente dans notre cerveau. Ces biais peuvent influencer notre jugement, notre perception, notre prise de décision et nos interprétations de l’information. Les biais cognitifs sont souvent le résultat de raccourcis mentaux que notre cerveau prend pour traiter l’information plus rapidement ou de manière plus efficace, leur lien avec le striatum est encore sujet à débat mais il est avéré qu’ils soient pour beaucoup des déclencheurs du système de récompense présent dans notre striatum. Cela explique en partie la passivité dont nous faisons preuve lorsqu’il s’agit de réfléchir et d’agir pour le long terme, notre striatum influence notre conscience du problème et donc ralenti le travail des fonctions de notre cortex. Cortex et striatum semblent à ce stade inconciliables, tant ils sont distincts dans leur fonctionnement, néanmoins, il est possible d’harmoniser les deux, cela faisait l’objet de la préanalyse philosophique mais repose désormais sur des engrenages bien plus spécifiques et concrets. Le cortex et le striatum sont certes deux structures différentes du cerveau qui ont des fonctions distinctes mais ils travaillent ensemble pour soutenir de nombreuses fonctions cognitives et comportementales. Le cortex est impliqué dans des fonctions supérieures telles que la perception, la cognition, la mémoire et le raisonnement, tandis que le striatum est impliqué dans des fonctions plus primitives telles que la motivation, la récompense, la prise de décision et le contrôle moteur. Il est donc possible d’utiliser le cortex pour réguler l’activité du striatum et tirer profit de ses fonctions – l’apprentissage et la pratique de comportements sains et adaptatifs peuvent renforcer les connexions entre le cortex et le striatum, favorisant ainsi la prise de décision et le comportement adaptatif, cela passe par beaucoup d’exercice, des efforts d’ordre intellectuel comme l’étude, la remise en question, la réflexion personnelle, la prospection… mais aussi d’ordre physique en  conséquence, particulièrement la régulation de sa consommation et ce sur tous les plans mais particulièrement l’alimentation et le transport, cela peut aussi se traduire par une reconversion des moyens, tout cela dans la mesure du possible. La synthèse des deux génère de l’implication qui peut également se manifester à travers du militantisme, de la sensibilisation ou encore de l’engagement politique qui sont essentiels car c’est par la transmission du savoir que la conscience triomphera et par l’engagement auprès de nos représentants politiques que la société ira dans le bon sens, et donc par effet de synthèse, la civilisation.

 

Conclusion

Nos désirs sont au centre de nos modes de vie, l’Homme s’en ai saisi sous de multiples aspects au cours de l’histoire, souhaitant parfois s’en priver, d’autre fois en tirer parti. Il est notre premier rapport à l’infiniment grand, il traduit chez l’Homme les pires atrocités comme les plus louables progrès mais n’a souvent été que mal interprété ou mal compris. Comme le vent il est imperceptible mais comme le vent nous le ressentons, en nous néanmoins et non sur notre peau, comme lui encore il porte une force, celle de construire l’imaginaire et de concrétiser le progrès. Aujourd’hui il est maître de notre quotidien, pilier d’une civilisation qui ne vit que pour lui et dont l’argent nous donne l’accès bien qu’également il nous aveugle, à l’infini il nous fait tendre, mais dans la ruine il va nous rendre, si tant est que nous ne fassions rien. Ses origines, maintenant bien déterminées, ses conséquences, désormais bien cernées, armons-nous du meilleur des atouts, pour ramener au désir, ce qu’il a de beau en lui, ce qu’il est de beau en nous. Une force en soit, n’est ni bonne ni mauvaise, elle peut simplement être bien ou mal utilisée et c’est en cela qu’il nous faut travailler. Bâillonner notre striatum serait impensable, il nous faut davantage l’employer armé de ce fameux atout, le cortex qui avec nous, avec le striatum, nous donnerons la force et le courage de penser mieux, pour vivre mieux.

 

Bibliographie

Philosophie :

Epicure :

-La Lettre à Ménécée

Epictète :

-Citations : https://citations.ouest-france.fr/citations-epictete-293.html

Marc Aurèle :

-Pensées pour moi même

Montaigne :

-Les Essais

Kant :

-Citation : https://dsirmtcom.wordpress.com/2018/01/09/kant-on-ne-peut-tout-au-plus-quapprendre-a-philosopher/

André Comte Sponville :

-L’amour, la solitude

-Le bonheur, désespérément

-Autres citations éventuelles : https://www.abc-citations.com/auteurs/andre-comte-sponville/

 

Bible – Genèse 3 :19 : https://saintebible.com/genesis/3-19.htm

 

Socio-écologie/Psychologie :

 

Dernier rapport du GIEC : https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec

 

Jean Marc Jancovici :

-Audition à la commission d’enquête : https://www.youtube.com/watch?v=851Q-nPNx7I

-BD, Le Monde Sans Fin : https://jancovici.com/publications-et-co/livres/le-monde-sans-fin/

 

Sébastien Bohler :

-Conférence TEDx : https://www.youtube.com/watch?v=jrdLIRh3na0

 

Différentes assistances à la rédaction, à la mise en forme ou à la recherche :

 

-Microsoft Word 2019

-ChatGPT

-Google

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