L’humanisme de Heidegger vs l’existentialisme de Sartre
La « Lettre sur l’humanisme » de Heidegger a été publiée un an après la conférence « L’existentialisme est un humanisme » prononcée par Sartre à la Sorbonne. Ce travail peut donc être lu comme une réponse à l’existentialisme est un humanisme de Sartre.
Heidegger et l’Humanisme classique
Après la publication de l’Etre et le Temps, le projet de Heidegger est de critiquer l’humanisme classique à travers Sartre, fondé sur la métaphysique du sujet. Il tentera de repenser, refonder l’humanisme à partir de l’Etre, et non plus de l’Etant.
La question initiale est : Comment penser l’Etre? Selon la philosophie de Heidegger, la question de l’être, non seulement être en tant qu’être, mais l’Être des êtres, la nature de l’être en tant que tel, n’a pas été correctement pensée. La philosophie classique a manqué le fondement ontologique de l’être parce qu’il n’a pas suffisamment compris ce qu’on entend par « pensée ». Pour Heidegger «penser» (Denken) signifie quelque chose de fondamentalement différent de notre compréhension quotidienne de ce terme. Penser pour Heidegger est un type d’action, mais une action qui surpasse néanmoins toute praxis. Pour Heidegger, la pensée dans le sens plus élevé n’est pas réductible à la techné : la pensée est l’attente de “l’avènement de l’Être, l’Être en tant avènement” (275). La pensée est une sorte d’intermédiation entre l’homme et l’Etre. Autrement dit, les questions « Qu’est-ce que penser? » est nécessairement liée à la question «Qu’est-ce que l’Homme? ».
Heidegger et Le Berger de l’Etre
L’Etre se donne à l’homme (concept d’ « il y a ») et l’homme devient ainsi «le berger de l’Etre». Quelle est la signification de ce destin de l’homme comme ek-sistere, comme gardien de l’Etre dans lequel il habite ? Heidegger fera valoir que la pensée elle-même est une forme d’action, « la pensée agit dans la mesure où elle pense » Cette définition de la pensée s’oppose à une interprétation technique de la pensée, orientée vers la techne, la praxis, l’effectuation. Cette tradition remonte à Platon et à Aristote, pour qui la pensée est faire. C’est parce que la philosophie occidentale a voulu devenir une science qu’elle a abandonné l’essence de la pensée : la pensée devient instrumentalisée.
Pour Heidegger, la modernité est un état d’itinérance, dans lequel l’homme a perdu son abri, l’Etre, et devient donc étranger à sa pensée, à lui-même. L’oubli de l’Etre doit faire place à un recueil de l’Etre.
Contrairement aux animaux ou des pierres, l’homme est le seul être destiné à penser l’essence de son être propre. L’essence de l’être humain réside donc dans son ek-sistence. Les animaux et les pierres ne partagent pas cette manière d’être avec l’homme.
L’humanisme heideggérien en résumé
L’humanisme chez Heidegger apparaît ainsi comme un décentrement de l’homme et retour à la pensée de l’Etre, qui est la véritable essence de l’homme. Sans l’Etre, l’homme n’est qu’un homme (homo), et non un humain (humanitas). Mais cette critique de l’humanisme occidental n’est bien sûr pas une défense de l’inhumain, ce n’est pas une adhésion à la barbarie ou la à la brutalité. Heidegger cherche plutôt à corriger une mauvaise interprétation de la notion d’homme.
L’analyse ontologique de l’Être comme Dasein conduit nécessairement à un changement dans notre façon de penser l’essence de l’humain. La «Lettre sur l’humanisme» ne cherche pas à abolir la métaphysique, mais à corriger et à compléter l’humanisme de la métaphysique et de refonder l’humanisme.
L’Humanisme chez Heidegger devient méditation et souci de l’Etre. Chez Sartre, l’humanisme consiste à affirmer l’individu et à la poser comme fondement de la valeur. L’humanisme heideggérien doit dépasser la métaphysique traditionnelle pour sortir de la conception technicienne de l’Etre et de l’homme. Car au fond, Heidegger reproche à l’humanisme classique de ne pas avoir pensé suffisamment haut l’homme : l’homme doit être entendu comme humanitas, et non comme animale rationale.
C’est bon de philosopher, et c’est une opportunité pour nous d’apprendre à philosopher!
Il faut faire attention! Parler d’un “humanisme heideggérien” est un contresens véritable! Heidegger ne prône aucune forme d’humanisme. Pour cela: cf Lettre sur l’Humanisme, paragraphe 10 de Sein und Zeit, et un lire de Jean Luc Marion: certitudes négatives (première partie: sur l’homme)
Moi je pense qu’il y’a vraiment un humanisme dans la pensée de Heidegger . l’homme n’est pas le maître de l’étant mais le berger de l’être. Je pense que par cette énoncé il apparait que le second Heidegger presente en quelque sorte la mission existentiale du dasein en tant que protecteur de son monde gardien de l’existant. Le dasein est le veilleur qui préserve son monde parce que ce monde est sa condition d’être.