Internet, entre commerce et démocratie

OBAMA INTERNET

Internet et la politique, du commerce des idées au commerce marchand

Le commerce désignait auparavant la conversation, l’échange d’idées dans la bonne société. Aujourd’hui, ce terme ne s’applique plus qu’à l’échange de biens et de services : sa signification est essentiellement devenue marchande. Internet, comme nouveau média, semble être pris entre cette double définition du commerce.
Une question se pose donc d’emblée : à quoi sert Internet ? On l’associe bien souvent au concept de « communication ». Mais communiquer quoi ? Des marchandises, ou des idées ? Internet se réduirait-il à un lieu d’échanges économiques, ou bien peut-il être un outil politique ?
En bref, des espoirs politiques peuvent-ils être placés en Internet ? Quelles promesses peuvent-elles être faites par cet outil ? La réalisation du e-commerce ou celle de la e-démocratie ?


Internet : l’idéal démocratique ?

L’apparition des « blogs », journaux intimes, récits réels ou fictifs mis en ligne, les « chats » et autres forums de discussion ont ouvert la voie, semble-t-il, à un renouveau de la participation à ’espace public politique. Twitter et les grands réseaux réseaux sociaux ont été investis par les partisans d’Obama et les progressistes en Chine et en Iran. Ces discussions, en marge des canaux médiatiques traditionnels, radios, presse et télévision, semblent de fait remplir les critères d’un espace « public ». L’accessibilité, une communication symétrique, libérée de toute censure (hormis celle des administrateurs chargés de la bonne tenue des propos), l’égalité entre les participants à une discussion corroborent l’idée selon laquelle Internet représenterait un nouvel espace public, plus démocratique que l’espace public dominé par les mass media.
Un nouvel espace public car, en des temps de relative dépolitisation, les citoyens pourraient à nouveau, sur le modèle de l’agora grecque, se retrouver sur Internet pour discuter, échanger des arguments, délibérer, bref former rationnellement une opinion publique qu’il ferait valoir face au pouvoir politique. Une communication libre et ouverte, en citoyens éloignés les uns des autres semble valider la thèse de la révolution politique issue de la révolution technique.
Enfin, Internet peut être dit « démocratique » en ce qu’il permet à tous, et notamment aux opinions minoritaires, de trouver un lieu d’expression. Les « blogs » joueraient alors le rôle qu’endossaient les associations civiles chez Tocqueville en luttant contre le despotisme des idées de la majorité à l’oeuvre dans la démocratie.

De plus, Internet s’avère, par les gigantesques banques de données disponibles, une source d’information illimitée (mais contrôlé par un géant : Google) qui renforce, ou même, selon certains fait naître un droit à l’information, condition de toute délibération rationnelle. De nombreux exemples témoignent du rôle communicationnel joué par Internet. Les « blogs », quelles que soient les positions défendues par les participants, sont apparus comme des moteurs de la campagne référendairesur le traité constitutionnel en France. Sans ceux-ci, il est peu probable que les débats autour de la ratification de la constitution européenne aient été aussi vifs.

Internet et communautarisme

Analysons l’argument qui fait des « blogs » et autres groupes de discussions des synonymes d’un regain de la démocratie est fragilisé sur plusieurs points. C. Sunstein a défendu dans un article l’idée selon laquelle les discussions ne permettent pas aux participants de discuter ouvertement, mais selon des modalités qui provoquent une fermeture, et même une radicalisation, des opinions.

En effet, les « blogs » sont organisés autour de thèmes précis, ce qui permet aux internautes de sélectionner selon leurs préoccupations les sujets sur lesquels ils veulent débattre. Ceci constitue déjà une première fermeture : tous les sujets ne peuvent pas être débattus. Mais, plus grave encore, le « blog » ou le groupe de discussion qu’ils choisiront sera compatible, dans la plupart des cas, avec leurs positions pré-délibératives. Les arguments seront toujours plus ou moins les mêmes puisque les individus se retrouvent autour de préférences communes. En résulte une forte homogénéité des points de vue. Ainsi, un individu qui aura une opinion modérée, disons sur la guerre en Irak, radicalisera sa position du fait de la redondance des mêmes arguments qui lui sont tenus :

« Partout, des millions de citoyens de toutes origines se servent d’internet pour vivre dans une sorte de chambre de réverbération et pour recevoir, encore et encore, des versions toujours renouvelées de ce qu’ils viennent de voir ».

Internet apparaît alors comme un terreau du communautarisme, ou du moins de l’incompréhension sociale entre les parties d’une même société qui ne se rencontrent pas, ou plus.

La communication internaute

La communication à l’oeuvre dans les « blogs » n’est qu’une confirmation, et aucune remise en cause des positions défendues par un individu n’est rendue possible par leurs structures. On est ici bien loin des arguments qui faisaient des « chats » les sauveurs de la démocratie. Car pour qu’un groupe de discussion soit appelé « espace public », il faut qu’il y ait une rencontre de l’altérité, une ouverture au pluralisme, une communication fluide. L’opinion publique qui résulte de ces groupes ne sera donc jamais qu’une opinion publique partielle. Ainsi, Internet n’est pas un surcroît de débat, mais la cristallisation des opinions, pas le vecteur de formation d’une opinion publique, mais la rencontre des opinions homogènes. Plus encore, comme l’a soutenu P. Breton , la communication véhiculée par Internet est une communication technicisée, une pseudo communication. La communication n’est, de fait, qu’un moyen pour rapprocher les individus, son sens réside dans sa visée, qui est l’intercompréhension et l’entente. La « communication », notamment sur Internet, est passée de moyen à fin, vidant du même coup de sa substance la communication : communiquer prévaut sur tout, quel qu’en soit le contenu. Cet argument est confirmé par le succès des « blogs » et les réseaux, ces confessions publiques d’internautes qui donnent l’illusion d’une communication.

L’ issue de la lutte entre l’internaute-consommateur et l’internaute-citoyen est encore incertaine. Plus que des lieux de communication horizontale, les politiques l’utilisent, de manière verticale, pour recruter des nouveaux militants et partisans.

 

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3 Comments

  1. says: Anonymous

    difficile de comparer obama et royalObama a utilisé de manière pertinente les outils web (twitter), royal n'a fait que de l'ancien …

  2. says: Anonymous

    les électeurs sont vus comme des consommateurs de programmes politico-marketing

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