Introduction
Le sujet à traiter consiste en le questionnement « L’art, pour quoi faire ? ». Il conviendrait alors de définir l’art, bien qu’une proposition objective soit difficilement atteignable, comme notion pouvant être porteuse de deux sens principaux. Le premier étant esthétique, relevant de l’ensemble des objets n’ayant pas de vocation à l’utilitaire mais d’une importance particulière à l’homme toutefois, dont le seul dessein serait d’atteindre la beauté. L’art puiserait, par étymologie, une racine dans le terme artéfact ou artifice, menant au rattachement de ce dernier comme œuvre de l’homme, visant ainsi à susciter l’émotion esthétique. Cet art relèverait également de toute activité ayant puisé sa création dans l’intervention humaine, devenant donc une véritable technique, dépourvu d’attachement au naturel et la beauté de celui- ci. La question « L’art, pour quoi faire ? » s’interrogerait sur les fonctions de l’art lui-même, les visées de son auteur quant à sa réalisation et l’atteinte d’un spectateur face à lui. L’interrogation pourrait alors aussi porter sur le dessein pratique imaginé, l’utilité ou non de l’œuvre, ou l’esthétisme désireux d’être véhiculé grâce à elle. Les fonctions de l’art apparaîtraient alors subjectives et difficilement dénombrables. Nous pourrions penser dans un premier temps que l’art donc ne se définirait et ne tendrait qu’à la transmission de l’idée du beau. L’art ne servirait qu’à être art en cela que seule l’esthétique apparaitrait comme fin à sa création. Le bel-art distinguerait alors l’homme de l’animal, participant à son élévation en tous domaines, et permettant une appréciation de chacun. Désireux de plaire, il ne ferait qu’ajouter à la satisfaction humaine et permettrait une dévotion nouvelle de son attention, artificielle, défaite de naturel. De plus, nous pourrions nous pencher sur la praticité de la notion. L’art se voudrait vecteur de réaction et d’animation quant à son spectateur. L’art aspirerait à l’utilité seule, à la fonctionnalité, l’aide procurée ou la perception sous-entendue souhaitée par son créateur. La transparition d’idéaux et de convictions seraient la motivation principale, s’appuyant sur la nouveauté créative de ce dernier, figeant sur un support son raisonnement, son message. De la peinture de morale ou de la description de soulèvement, l’art peut se vouloir scandalisateur ou encore lié à un culte, pouvant viser à l’éducation de son auditoire. Enfin, il conviendrait du questionnement de l’art comme vecteur de vérité. Il se voudrait axé vers l’imitation du réel, bien que crée par un être inspiré, génial, allant par conséquent au-delà presque de celui-ci. Le réel, chose possible d’expérience s’opposerait alors aux idées, et nous devrions examiner s’il apparait comme ancré dans la réalité qu’objectivement ou subjectivement il représente, si l’artiste nous donne à voir, sentir, entendre l’univers qui nous entoure.
Nous nous demanderons alors : L’art possède-t-il une fonction propre ?
Pour y répondre, nous aborderons dans un premier lieu l’art comme visant à la seule création esthétique, l’établissement d’un véritable bel-art puis nous pencherons sur l’utilité pratique porteur de réaction de l’art pour terminer sur la vérité permise par celui-ci.
I. L’art vise la beauté
Tout d’abord, l’art apparaitrait comme détenant la beauté issue de l’évolution de sa temporalité, le définissant comme objet de l’intellect, du progressisme humain. Le fonctionnel, le pratique ou l’objet premier imposé dans l’œuvre peut au fil du temps s’effacer, laissant toujours une impression distincte entre matériel et esprit, admettant la désuétude complétée alors par une volonté de perception du beau en ce dernier plutôt qu’en sa visée initiale incomprise. L’homme se veut voir en ce dernier ce qu’il ne comprendrait pas, la beauté se dessinant alors dans l’imaginaire, liée surtout à la fascination de la temporalité, l’émerveillement face à la création et l’évolution de sa main et son esprit. La beauté se retrouve alors dans la célébration individuelle d’une avancée, d’un véritable progrès de transcription de l’intelligence sensible ou non effectué. L’art rediffuse, replonge l’homme dans ses origines, et le beau s’y transparait par sa mémoire. La beauté et son appréciation se développe au fil des siècles. D’après Kant, l’art chercherait à appréhender le réel, mais sans l’imiter puisqu’il est avant tout une « création par liberté » où l’imagination joue un rôle essentiel. L’homme, alors, dépeint dans son œuvre depuis toujours le ressenti face à un évènement figé. Nous pourrions prendre l’exemple des totems africains ancestraux, ayant connu l’émergence des premiers peuples, véritables vecteurs des sentiments de ceux-ci. Aujourd’hui reconnus comme témoins des capacités artéfactuelles primitives, leur création autrefois se voulait démonstratrice et représentative de la dévotion spirituelle, de la célébration, du rituel.
Par ailleurs, l’art tirerait sa beauté dans la subjectivité qu’il émet. La satisfaction permise par sa contemplation, les transports qu’il inspire seraient d’une grande intimité, l’art étant par définition, un complet opposé de l’objection, puisque relatant de l’esprit individuel. Plaisant à certains, il deviendrait vilain à d’autres. La beauté s’immiscerait au travers de la volatilité des gouts humains, de l’absence d’une raison commune et acceptée mais de l’abondance des formes de tendances. En la subjectivité donc, l’art trouverait commencement de toute beauté. L’Art serait ainsi érigé souvent pour son impact sensoriel, l’éveil qu’il transmet, l’agitation des sens qu’il peut admettre. Dans l’individualité des ressentis positifs qu’il provoque, l’art se projette. Nous pourrions prendre alors l’exemple de la célèbre toile monochrome « Carré blanc sur fond blanc » de Kasimir Malevitch, toile controversée qui, alors que pour certains ne suscite que désintérêt et incompréhension, apparait sublime par sa transcendance dépeinte et sa simplicité complexe pour d’autres.
L’art ainsi deviendrait une définition du beau, descendant de la célébration des cultures et de leur évolution mais aussi de la subjectivité admise par ce dernier. Seulement, l’art aurait-il également vocation à la réaction de son spectateur ?
II. Le message de l’art et la réaction du spectateur
L’art mènerait à une recherche de l’animation de son auditoire. Il s’agirait pour certains d’exprimer une perception qui leur est propre, d’appliquer un idéal à une représentation sensitive, pour enfin mieux s’ancrer en chaque récepteur de celle-ci. L’art apporterait un véritable support réfléchi de pensées abstraites, se changeant de ce fait en une référence utilisable par beaucoup pour la démonstration de leur croyance. L’art anime par son message. Il stimule l’intellect, se présente comme le miroir d’une conviction. L’art prend parfois un caractère religieux, souvent désireux d’inciter à la propagation d’un culte. Mais il peut également apparaître comme vecteur de moralité, instigateur de leçons explicites ou non, propice à la perception de l’univers de chacun. L’art enfin deviendrait une véritable source mémorielle. En évoquant les prémices de notre histoire, en se penchant sur les bâtisses de nos savoirs, rappelant des sensations, l’art bouleverse notre souvenir. Il apporte à la nouveauté en exposant l’ancien. Il capture l’instant puis le transporte. L’exemple que nous pourrions prendre serait celui du « Labourage nivernais » de Rosa Bonheur, qui dans sa simplicité et sa représentation d’une espèce éteinte, nous retrace une époque, faisant figure d’un témoignage devenu intemporel.
De même, l’art pourrait transparaître comme permettant la stimulation d’un éveil, comme admettant la véritable réaction du spectateur. Il mènerait à une sorte d’exaltation de la personne, un défoulement, une expression quant à une préférence artistique. L’art devient alors art animé, dont le spectateur devient acteur, et qui traduit, dans le temps et l’espace, une volonté de manifestation de ses préférences. L’art permettrait donc une réelle célébration expérimentable par le corps des penchants de l’individu. Il permet le divertissement. De plus, lorsqu’il prend des dimensions politiques, relatant de véritables idéaux de pouvoir et d’influence, ces représentations pouvant être scandaleuses, l’art à la visée d’expression d’opinion agite. L’art nous intègre alors au réel, poursuivant l’idée de Rousseau qui critique celui qui nous en éloigne futilement et qui relève du seul désir de l’artiste d’être applaudi. A cela s’ajoute l’idée d’un art comme un évènement, qui peut être vécu dans son ensemble de matière sensorielle et par l’intégration complète de l’auditoire dans celui-ci. Nous pourrions prendre l’exemple de l’ « exposition du vide » de Klein, dont l’idée amuse souvent plus que la réalisation, où chacun évolue au cœur de pièces dénudées, où le vide est nul part mais également partout.
Ainsi, l’art a le pouvoir de produire de nombreuses réactions vis-à-vis de son auditoire en jouant sur les dispositions de ce dernier. Seulement, mène-t-il à la vérité de ce qui nous entoure ? Traduit-il vraiment le réel ?
III. La vérité dans l’art
Nous pourrions nous pencher sur la question de la représentation, par l’art, du réel. L’art serait ancré dans la réalité qu’il imite et représente, subjectivement ou non. Pour certains esprits comme Léonard de Vinci, la fidélité à l’égard de la réalité serait une condition inévitable à la création de l’artiste, le réel, l’univers, étant source d’inspiration, à la fois au centre de l’art lui-même comme au cœur de la recherche et la science. D’après de Vinci, « qui blâme la peinture, blâme la nature ». L’irrespect de cette nature, et par conséquent l’art en lui- même, alors insinuerait comme un rejet de l’originel, des débuts de l’homme, de son instinct ancestral, apparaissant comme difficilement atteignable. L’inscription dans le réalisme toutefois semble donc impératif dans l’adéquation de l’art au réel, ce courant, rappelons-le se donnant précisément pour dessein de représenter le monde et les hommes tels qu’ils sont. Ainsi, de Vinci par exemple, ayant pour modèle la nature, fut à l’origine de l’intégration de nouvelles techniques dans l’art permettant un rapprochement maximal de cette idée réaliste. Est élaborée par conséquent celle du Sfumato, aujourd’hui inévitable, qui, par imitation de l’œil humain, se veut flouter les détails normalement imperceptibles, comme observable dans son œuvre de renom « La Joconde », où les contours disparaissent la où l’œil s’efface.
Aussi, l’art nous détournerait de la réalité pour mieux nous en approcher. L’art deviendrait porteur de vérité en la manière dont il parvient à modifier notre conception et comportement face au réel. Selon Bergson notamment, l’art opérerait une rupture dans notre rapport habituel au monde affairé. Il inviterait à l’attitude contemplative, plutôt que distinguant utile et inutile. L’art abandonnerait l’attitude intéressée. Il change notre perception du réel pour mieux le comprendre. Nous pourrions nous appuyer sur l’exemple la citation de Bergson à ce propos, « Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons le plus souvent à lire les étiquettes collées sur elle ». L’art, plus qu’autre chose, nous inviterait à endosser une attitude désintéressée, se défaisant du plastique, de la nécessité.
Conclusion
Pour conclure, nous pouvons dire que l’art ne posséderait pas de fonction propre et établie. L’art relèverait en son sens premier d’une tendance vers la beauté, bien que d’une grande subjectivité. De même que son caractère visant à émettre un message, une conviction, favorable à la réaction de son spectateur, l’art impacte. A cela s’ajoute le désir de ce dernier de nous faire parvenir au réel, en y étant ancré et par sa représentation mais également de ne détourner de celui-ci pour mieux nous en rapprocher et modifier notre perception de la réalité.
Par Marie Gia