Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée (Descartes)

L’universalité du bon sens, ou l’humanisme cartésien

«  Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup d’avantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent »

C’est ainsi que Descartes ouvre le Discours de la Méthode.

Ce texte donne souvent lieu à des analyses complémentaires :

– l’humanisme de Descartes : le philosophe affirme en effet que le bon sens, c’est-à-dire la raison est universelle. Il n’y saurait y avoir plus ou moins de raison chez les individus. Si certains manquent la vérité, c’est parce que l’usage de leur raison est mauvais. Ceci pose une égalité entre les hommes fondée sur l’existence d’une égale raison entre les hommes. Ce principe, fondamental, rompt avec la scolastique et fondera toutes les théories de la démocratie. La seconde conséquence se situe au niveau épistémologique : si la raison est universelle, la méthode proposée par Descartes pourra être en œuvre par tous, sans exception. La vérité est donc accessible à tous, à condition de bien conduire sa raison.

– La conception de la subjectivité de Descartes : si la raison est universelle, c’est, en creux, qu’elle fait d’un homme ce qu’il est : l’homme est raison et sans la raison, il n’est plus homme.

– Une théorie morale : Descartes glisse de l’épistémologie à la morale, dans la mesure où il introduit les notions de « vices » et de « vertus ».

– l’éloge de la lenteur : Descartes insiste sur la méthode. La lenteur semble être la clé pour bien penser, tandis que la vitesse, vue comme précipitation, conduit à l’erreur selon Descartes.

– l’ironie : la première phrase contient une ironie mordante visant les hommes qui sont contents d’eux-mêmes, qui se satisfont de leur raison sans jamais l’interroger ou la mettre en cause. C’est précisément cette remise en cause de la raison que Descartes va conduire dans toute son œuvre.

L’ouverture du Discours de la Méthode est un texte assez accessible et révèle d’entrée le projet philosophique de Descartes : créer une méthode grâce à laquelle la pensée peut trouver la vérité.

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