Introduction
Dans La Pensée et le mouvant Henri Bergson pense la durée comme l’un des concepts clés pour comprendre sa philosophie. Le philosophe explicite sa conception de la durée en s’appliquant à démontrer que la philosophie s’est trop longtemps fourvoyée dans son analyse. L’exigence de précision de Bergson l’entraîne à penser que les systèmes philosophiques constitués jusqu’à présent ne sont pas taillés à la mesure du vivant. Ainsi, il va tenter de dépasser la définition de la durée comme une succession d’états différents reliés par une unité. Finalement, la durée tient elle dans l’alliance entre la multiplicité des états successifs et son unité générale ou au contraire, analyser la durée de la sorte ne revient il pas déjà à tomber dans l’appréciation mathématisable du temps ? La thèse de Bergson semble se dessiner à travers cette pensée : « Mais si, au lieu de prétendre analyser la durée (c’est-à-dire, au fond, en faire la synthèse avec des concepts), on s’installe d’abord en elle par un effort d’intuition, on a le sentiment d’une certaine tension bien déterminée, dont la détermination même apparaît comme un choix entre une infinité de durées possibles ». La durée ne doit donc pas être interprétée avec les éléments de la mathématique et ainsi être enfermée dans une dimension strictement calculable mais doit être investie par le sujet qui l’intuitionne.
I. La critique des conceptions scientifiques de la durée
Bergson se met à la place des philosophes qui ont cherché à donner une définition à la durée : « Si je cherche à analyser la durée, c’est à dire à la résoudre en concepts tout faits, je suis bien obligé, par la nature même du concept et de l’analyse, de prendre sur la durée en général, deux vues opposées ». L’expression de la condition manifeste ici le recul opéré par Bergson face aux définitions qui vont suivre. Il tente de condenser les recherches et les conclusions des philosophes qui l’ont précédé sans pour autant s’associer à eux dans leurs raisonnements. Le premier problème que Bergson met implicitement en exergue, c’est la volonté d’analyse de ces philosophes. On ne peut pas analyser la durée comme on analyserait un corps humain, c’est à dire en le disséquant, partie par partie pour comprendre de quoi il est fait et comment tous ces éléments interagissent entre eux pour former un tout uni. L’analyse revient à utiliser des outils gnoséologiques déjà constitués pour en déduire une définition, un concept.
Nous voyons bien ici que pour Bergson, cela reviendrait à forcer un phénomène à rentrer dans le moule de la science quitte à le déformer au cours de l’opération. L’analyse, c’est à dire, la décomposition de la durée sous forme de concepts revient donc à déduire d’une part l’existence des mouvements successifs constitutifs d’un moment qui dure et d’autre part leur unité dans la formation de ce moment. Après la division, doit venir le moment de la « recomposition », comme si le savant, après avoir ouvert le corps humain pour en recenser tous les organes devait le refermer pour prendre la mesure de l’unité du corps.
Il est clair que cette méthode de déduction sophistique à laquelle s’oppose Bergson est l’analyse savante qui croit pourvoir disséquer tous les phénomènes de la nature pour les expliquer à l’aide de concepts préfabriqués. En réalité, l’opération est déjà effectuée dans l’esprit du scientifique ou du philosophe. Ces derniers avaient une idée précise de ce qu’était la durée et ils ont savamment utilisés les outils conceptuels dont ils disposaient déjà pour rendre compte d’une définition sérieuse. C’est cette imposture philosophique et sophistique que Bergson cherche à dénoncer. Il précise que cette hypothèse est une hypothèse stricte et sans nuance : « elle est ou elle n’est pas » en cherchant par là à montrer que les scientifiques et les philosophes recherchent l’approbation de leur vérité arrêtée ou une contradiction.
Bergson va expliciter la thèse qu’il compte récuser : « Je dirai, par exemple, qu’il y a d’une part une multiplicité d’états de conscience successifs et d’autre part une unité qui les relie ». Cette définition décompose la durée en deux conceptions opposées qui coexistent de manière interdépendante. En effet, la durée résonne dans la conscience du changement ou plutôt de l’action de changer. Ainsi, la durée pourrait se saisir dans la différence entre des moments consécutifs qui montrent chacun une représentation différente de la réalité. Cette succession est en réalité une évolution. Une évolution car ces moments perçus par notre esprit successifs sont unifiés par une trame de fond qui les relie chacun entre eux dans un ordre défini. « La durée sera la ‘’synthèse’’ de cette unité et de cette multiplicité », écrit Bergson. On voit bien que pour le philosophe, rien ne justifie, ni la décomposition analytique de la durée en deux conceptions opposées , ni la volonté synthétique des philosophes pour définir et remplir le concept.
Nous sommes en droit d’affirmer que l’analyse comme la synthèse sont des médiums scientifiques et philosophiques qui permettent d’obtenir un résultat qui s’inscrit dans la science normale pour parler en termes kuhnien. Kuhn écrit en effet dans La structure des révolutions scientifiques : « Avant de penser le vrai, il faut au préalable penser dans le vrai ». Bergson veut donc procéder, à la manière d’Heidegger ou de Nietzsche, d’une déconstruction de la philosophie pour saisir la portée de son erreur. Il veut ainsi montrer que les outils de la pensée utilisés au fur et à mesure des siècles pour comprendre et conceptualiser la réalité de la durée ne sont pas adaptés. Bergson qualifie même le processus de cette recherche d’« opération mystérieuse » qui opère en réalité dans un carcan prédéfinit par la pensée. La définition de la durée qui en résulte est stricte et rigoureusement correcte. De la même manière que 7+5=12 , la conception frauduleuse de la durée est péremptoire et arrêtée. On sent bien que ce point va être remis en question par Bergson qui voudrait admettre une définition moins mathématique de la durée. Une définition qui prendrait pour base la conscience individuelle (car après tout, c’est l’esprit qui forme la notion de durée ; c’est lui qui rend compte du changement ; comment appréhendons nous le changement si ce n’est grâce à l’esprit ; dans notre esprit ?) et son ressenti propre. Néanmoins, Bergson va prendre le temps d’étudier méthodiquement l’hypothèse combinatoire pour mieux la récuser.
Au terme de ce premier moment, qui se voudrait plutôt descriptif, Bergson expose la conceptualisation de la durée réalisée par les philosophes et ratifiée par la science. Il laisse pourtant déjà transparaître les points sur lesquels va se baser sa critique à savoir le fait d’analyser et de synthétiser ainsi que l’absence de nuance dans la caractérisation de la durée qui doit pourtant être relative à l’esprit qui la comprend. Toutefois, c’est maintenant que Bergson va attaquer de front cette conception faussée de la durée.
II. De la différence entre la durée et le temps
Bergson va revenir sur la valeur de l’hypothèse formulée précédemment en critiquant le caractère unique de la durée telle qu’elle est définie ainsi que son caractère mathématisable. Cette définition convient au Temps et à son calcul abstrait mais certainement pas à la durée qui relève d’une intériorité.
Bergson veut montrer qu’en raisonnant à partir de ce paradigme, la durée est un concept précisément défini à l’aide d’outils qui rendent compte de son existence et de ses caractéristiques sans interdépendance vis-à-vis de l’esprit ; comme si la durée existait hors de l’esprit qui en est pourtant le témoin. Le philosophe écrit : « Dans cette hypothèse, il n’y a, il ne peut y avoir qu’une durée unique ». Il mesure ici tout le problème de l’opération d’analyse et de synthèse scientifique qui ont pour but préexistant à l’identification de la durée, d’en ériger un concept clair et distinct, mesurable et calculable dont chacun peut faire l’expérience à l’identique.
Bergson va plus loin dans l’explication du processus analytique de la science pour pénétrer son absurdité. « Si nous prenons la durée sous l’aspect simple d’un mouvement s’accomplissant dans l’espace, et que nous cherchions à réduire en concepts le mouvement représentatif du Temps, nous aurons un nombre aussi grand qu’on voudra de points de la trajectoire, et d’autre part une unité abstraite qui les réunit », écrit-il. Bergson prend l’exemple concret d’un événement qui peut être rendu compte dans la durée, à savoir un simple mouvement ayant lieu effectivement dans un environnement donné. Cela pourrait être aussi bien le mouvement rotatif d’une planète, la course d’un ballot de paille emporté par le vent ou encore le déplacement de notre propre bras. Ces exemples sont tout à fait susceptibles d’advenir dans notre monde ; nous voulons signifier par-là, susceptibles d’advenir dans notre esprit a posteriori de l’expérience correspondante. La science va supprimer l’intérêt et l’utilité de la conscience humaine dans la compréhension de ce qu’est la durée pour fonder un concept universel. La durée ne peut donc plus être un vécu propre à chacun, un ressenti du temps qui passe et qui change le réel, mais une donnée que tout le monde est censé comprendre de la même manière, mais qui en réalité ne reflète pas la véracité de l’essence de la durée.
Bergson va appuyer sa démonstration en faisant une comparaison entre la durée analysée par la science et les philosophes et les perles d’un collier : « comme un fil qui retiendrait ensemble les perles d’un collier ». Si ce collier représente la durée telle que la conçoivent ces derniers, les perles sont des moments du mouvement décomposé analysable par des instruments propres à la science, utilisés dans le but de mathématiser le réel. Il peut s’agir ici des mètres par seconde, des kilomètres par heures, d’un certain taux de composants présent dans l’élément que l’on analyse heure après heure. Tous ces exemples de données arbitraires ne correspondent à rien d’autre qu’à la fonction qu’on leur a attribuée, et la seule vérité qu’ils possèdent se trouve en réalité dans la confiance accordée par les hommes en leur capacité de rendre compte du réel de la manière la plus universelle possible.
Nous retrouvons ce pragmatisme dans l’étude de trajectoire des balles par exemple. L’objectif de la balistique est de décomposer le mouvement de la balle en étudiant son mouvement en mètre par seconde pour en déduire un point d’impact. A chaque moment décomposé, l’état de la balle a évolué (de par son mouvement même), mais pour autant, il s’agit de la même balle. Ainsi, le mouvement décomposé doit ensuite (ou doit déjà) pouvoir être réassemblé pour rendre compte de l’expérience.
Néanmoins, il nous faut remarquer que cette décomposition du collier en une multiplicité de perles retenues par un fil qui reforme ensuite le collier est une opération arbitraire qui en voulant prétendre à l’universalité, ne correspond finalement à rien dont les individus peuvent faire l’expérience. Ce qui compte pour Bergson, c’est ce que nous verrons par la suite, c’est plutôt la manière unique dont chacun voit le collier en l’admirant. Il écrit : « Il y aura toujours entre ces points mathématiques, d’autres points mathématiques, et ainsi de suite à l’infini ». Or ce n’est pas un infini vivant et en mouvement auquel fait référence Bergson, mais l’infini froid et immobile de la mathématique, un point mort.
Bergson va achever sa description argumentée en critiquant l’abstraction dont fait preuve l’analyse de la durée et son manque cruel de nuances. « Entre cette multiplicité abstraite et cette unité abstraite la combinaison, une fois posée comme possible, est chose singulière ». L’idée est de monter ici que la durée décomposée en plusieurs substrats obtenus par un effort d’abstraction ne rend pas compte de l’essence véritable de la durée mais la pervertis pour formater la durée à la mathématique. Cette idée est explicitée de la manière suivante: « nous ne trouverons pas plus de nuances que n’en admet en arithmétique, une addition de nombres donnés ». La nuance se trouve dans la conscience du phénomène car la conscience est propre à l’individu et partant, elle relativise le ressenti vécu du mouvant. Si la durée n’est qu’une constatation de la conscience et ne peut exister sans elle, la science cherche à affranchir le concept en lui attribuant une réalité autonome. C’est cette méthode de recherche que Bergson cherche à critiquer.
Bergson a la volonté de rendre compte de l’absurdité et des écueils dans lesquels sont tombés les philosophes et les scientifiques. Leur premier réflexe est l’analyse puis vient la synthèse pour au final, enfermer la réalité dans un concept mathématisable qui se veut universel. On voit bien que, pour Bergson, la durée n’est pas un objet mathématique unique, mesurable avec précision mais quelque chose qui transcende le carcan dans lequel on voudrait l’enfermer et quelque chose qui transcende l’être humain lui-même.
III. La conception bergsonienne de la durée
Bergson va s’employer enfin à expliciter la thèse selon laquelle, la durée est relative à une intériorité, à une conscience unique et que c’est par l’intuition et non par l’analyse qu’il nous est permis d’en saisir toute la profondeur.
Finalement, le philosophe va exposer sa propre conception de la durée et s’émanciper de la tradition philosophico-scientifique classique. « Mais si, au lieu de prétendre analyser la durée (c’est à dire, au fond, en faire la synthèse par des concepts), on s’installe d’abord en elle par un effort d’intuition », écrit Bergson. La prétention scientifique est encore une fois jugée par le philosophe. En effet, la science comme la philosophie, a pour objectif de rendre compte du réel et expliquer les phénomènes. Pour ce qui est de la durée, la précision mathématique est en fait une perversion qui empêche de saisir l’essence de celle-ci. L’analyse et la décomposition de la durée en des concepts précis ne peuvent en aucun cas lui rendre honneur mais corrompront sa définition. La systématicité de la science et du paradigme mathématique détruit toute singularité au profit d’une unité abstraite qui explique tout et qui n’explique rien. Or c’est bien de la singularité dont va parler Bergson.
La clé permettant d’accéder à la durée, c’est l’homme en tant qu’individu ; elle se trouve en son intériorité. Il n’y a pas de démonstration à fournir pour prouver la véracité de son théorème, il n’y a qu’un ressenti du mouvant dans l’esprit qui nous est toujours immédiatement accessible pour peu qu’on veuille le remarquer. Bergson utilise terme « s’installer » qui est très révélateur de la direction que prend sa recherche sur la durée. Il ne s’agit pas d’un exercice d’extériorisation de la durée prise pour elle-même et d’une synthèse conceptuelle mais de sa relation avec l’esprit qui la ressent. Il nous faut investir le mouvant, se sentir à l’aise en lui pour voir une autre réalité que celle que les mathématiques tentent d’absolutiser et d’universaliser. L’effort d’intuition est donc d’abord une prise de conscience puis une volonté (nous dirions même une bonne volonté) pour accéder à la durée.
Le temps c’est la durée mesurée, mais la durée c’est le temps vécu et senti. « On a le sentiment d’une certaine tension bien déterminée, dont la détermination même apparaît comme un choix entre une infinité de durées possibles », écrit Bergson. Cette tension entre l’esprit et la durée est due à cette intuition immédiate que l’esprit a de la durée. Notre esprit détermine la manière dont nous percevons le temps. Il s’agit d’un temps qui dure selon le ressenti que l’on a de cette durée. Tel esprit est donc déterminé à vivre cette durée dans son intériorité, mais tel autre esprit aurait pu tout aussi bien vivre cette même durée d’une manière différente.
La durée n’est donc pas cet objet de la science divisible en des points mathématiques précis mais une conception plus herméneutique du mouvant et du temps qui passe. Une herméneutique qui dépend de l’état de la conscience qui saisit la durée. Chaque conscience est en relation avec le Tout de l’univers qui progresse à la manière d’une conscience en tant qu’il dure, car ce qui caractérise la conscience c’est qu’elle dure. Il y aurait une durée immanente au tout de l’univers, qui pourrait contenir une intériorité, dans laquelle se trouve des systèmes clos particuliers. Chaque système artificiel si clos soit-il participe au tout de l’univers.
La durée n’est pas unique mais dépend d’une intériorité. C’est le sens de l’exemple du verre d’eau et du sucre, devenu un élément célèbre de la pensée de Bergson. Nous imaginons donc un homme qui ferait diluer un morceau de sucre dans un verre rempli d’eau. Le temps de dissolution du sucre est un moment mathématisable et rendu calculable par les mathématiques, les lois de la physique et de la chimie. En effet, après avoir mesurer le temps de dissolution, il est possible d’en déduire des règles générales qui nous serviront par exemple à calculer a priori la dissolution de deux morceaux de sucre, etc… Or un tel raisonnement serait oublieux de l’homme qui dissout le morceau de sucre. Il est une conscience qui va profondément modifier l’expérience vécue par sa quiddité ; nous dirions même par son idiosyncrasie. Un verre d’eau sucrée est un système clos artificiel et il faut du temps pour que le sucre fonde. Mais ce temps coïncide avec mon impatience, avec une certaine portion de ma durée à moi qui n’est pas étendable : du temps vécu.
Bergson écrit : « Dès lors, on aperçoit des durées aussi nombreuses que l’on voudra, toutes très différentes les unes des autres ». En effet, quelqu’un d’impatient, ressentira la durée comme un poids et un calvaire particulièrement long alors qu’un autre s’affairant à une activité ludique en attendant la dissolution du sucre sera même surpris de constater son verre d’eau sucrée prêt aussi rapidement. Bergson achève son argumentation en revenant une fois de plus à la définition scientifique de la durée qui la prive de son infinité d’interprétation, c’est-à-dire, qui la prive de son essence. « Chacune d’elles [les durées], réduite en concepts, c’est-à-dire envisagée extérieurement des deux points de vue opposés, se ramène toujours à la même indéfinissable combinaison du multiple et de l’un », écrit le philosophe.
Le grand écueil dans la compréhension de ce qu’est réellement la durée est de vouloir l’analyser de manière extérieure, c’est-à-dire, de manière indépendante de l’esprit humain. Dans ce cas, nous reviendrons toujours éternellement à la combinaison fausse du multiple et de l’un qui ne correspond à rien de vraiment définissable si ce n’est au paradigme scientifique et philosophique et à son abstraction. La durée est un système ouvert et l’abstraire de façon si artificielle, c’est clore ce système.
Pour Bergson, La durée est le résultat d’une intériorité, de la conscience intime et relative du temps qui passe et chaque esprit qui prend le pouvoir d’intuitionner la durée et d’en saisir la profondeur, fait partie du grand Tout de l’univers. La combinaison artificielle du multiple et de l’un n’est qu’une illusion destinée à rendre un phénomène métaphysique uniquement physique. Cette obstruction de la pensée est détruite par Bergson qui rend à la durée son aura mystérieuse.
Conclusion
Dans La Pensée et le Mouvant, Bergson aura remis en cause la tradition philosophique et scientifique qui ont phagocyté la notion de durée et assimilé à des concepts grâce à une analyse puis à une synthèse. C’est opération éminemment artificielle ne correspondent à rien de concret si ce n’est au paradigme fondé par la science dans le but de rendre physique, calculable, mathématisable, tous les phénomènes du monde pour rendre compte de la réalité de manière définitive universelle et indépassable. Ces opérations distinguent donc la durée en une multiplicité de points mathématiques qui se suivent les uns les autres. Chacun de ces moments sont définis par une unité de mesure mathématique dont la force n’est pas son caractère absolument vrai, mais la confiance que les hommes ont placé en elle. Cette multiplicité est ensuite synthétisée en une unité, car chacun de ces moments sont saisis par la conscience et forment une trame unifiée par elle. Ces opérations de décomposition et de réduction en concepts déjà préparés par la science ne rendent pas honneur à la durée mais au contraire dévoient son essence. Car enfin, la durée est une notion métaphysique dont la science ne peut rendre compte. Elle n’est pas une extériorité définie, unique et à jamais prisonnière d’une éternité de mort, mais dépend de l’esprit qui a la volonté et fait l’effort de ressentir cette durée dont il a toujours immédiatement accès grâce à l’intuition. Chacune des consciences individuelles fait partie intégrante du Tout de l’univers en constatant et en ressentant le mouvant. Bergson finit par rendre à la durée son caractère éminemment métaphysique ; elle est ce centre à partir duquel tout rayonne.
Par Thomas Primerano, professeur certifié de philosophie, membre de l’Association de la Cause Freudienne et sympathisant de l’Association Française Transhumaniste, auteur de ‘’Rééduquer le peuple après la Terreur’’ publié chez BOD.