On reproche souvent à l’Espagne de n’avoir produit que des penseurs médiocres, contrairement à ses peintres. Cet article recense les grands philosophes, tendant à montrer au contraire que le pays a vu éclore des penseurs importants, dont l’influence sur la pensée occidentale est déterminante.
Miguel de Unamuno (1864 – 1936) :
Poète et philosophe, Unamuno n’est pas un penseur systémique, il refuse l’ensemble des systèmes philosophiques (dans un geste rappelant celui de Kierkegaard). Sa pensée est marquée par le rationalisme et le positivisme. La situation politique de l’Espagne de son époque l’a fait s’intéresser à la mécanique de l’histoire. Selon lui, l’histoire ne peut être analysée qu’au regard des histoires individuelles et anonymes, et non au travers des événements majeurs ou des faits des grands hommes (cf. l’histoire chez Hegel). Ce qu’il appelle “intrahistoria”. À la fin du XIXe siècle, Unamuno quitte le positivisme pour développer un existentialisme chrétien, proche de la pensée de Pascal. Selon lui, la vie est consubstantiellement tragique car l’homme sait qu’il doit mourir, réduisant alors l’homme à une condition de survivant. Dans Le Sens tragique de la vie, il aborde ainsi le rapport de la foi et de la raison.
José Ortega y Gasset (1883-1955) :
Gasset est sans doute le plus influent des penseurs espagnols. A la fois philosophe, théoricien socialiste, essayiste, critique culturel et esthétique, homme politique et rédacteur en chef de la revue Revista de Occidente, sa prise de parole a été très vaste. Ses principaux ouvrages sont Méditations sur Quichotte (1914), Invertébré Espagne (1921), L’esprit de notre temps (1923), Pensées sur le roman (1924), La déshumanisation de l’art (1925), Qu’est-ce que la philosophie ? (1929), La révolte des masses (1930), Homme et Peuple (1939-40), L’Origine de la Philosophie (1943), L’Idée de Principe chez Leibniz (1948). Gasset a rayonné aux confins de la phénoménologie, de l’historicisme et de l’existentialisme.
Julian Marias Aguilera (1914 – 2005) :
Disciple de Gasset, Julian Marias a produit une gigantesque Histoire de la Philosophie, laquelle constitue sans doute l’une des meilleures introductions à la philosophie occidentale du XXème siècle (incluant celle de Bertrand Russell). Ses 14 essais lui ont permis de développer une vision de la philosophie comme théorie dramatique, autrement dit selon lui le problème principal du philosophe est la philosophie elle-même.
Maria Zambrano (1904 – 1991) :
A la fois poète et philosophe, Maria Zambrano est une figure du Mouvement des 36 (groupe d’intellectuels ayant lutté contre la dictature en 1936). Ayant passé la moitié de sa vie en exil, Zambrano a travaillé sur la politique et l’histoire, à partir des avancées de la phénoménologie heideggérienne, notamment la reprise en compte du concept de Da-Sein.
Gomez Pereira (1500 – 1567):
Philosophe scolastique et humaniste, les historiens de la philosophie lui attribuerait la paternité du fameux cogito, avant que Descartes ne le formule dans son Discours de la Méthode. Quoi qu’il en soit, Pereira est l’un des pères du rationalisme moderne, et ses travaux en mécanique, en médecine ont laissé une empreinte profonte sur l’humanisme.
Son ouvrage majeur est Antoniana Margarita
Baltasar Gracian (1601 – 1658) :
Jésuite, son ouvrage le Criticón (en 3 tomes) met en scène Critilo, l’homme critique incarnant la désillusion, et Andrenio, l’homme naturel représentant l’innocence et les instincts primitifs. Chaque scène est vue des points de vue des deux personnages. Ce roman philosophique révèle une pensée pessismiste, dont Arthur Schopenhauer, ainsi que Nietzsche, salueront comme une pensée fondatrice.