La balade dans l’univers proposée par Jean-Philippe Uzan nous emmène dans tous les recoins et surtout dans toutes les disciplines : « mathématiques, astronomie et musique » écrit-il. La balade se transforme progressivement en ballade lorsque nous découvrons comment le cosmos devient une source d’inspiration et de création.
L’idée de base portée par le physicien est celle d’un astronome à la particularité a priori étonnante : sa cécité. Que se passerait-il si le scientifique ne pouvait plus voir, regarder, observer le ciel et l’univers ? Il devrait alors l’écouter, et c’est ainsi que le lien avec la musique se fait.
L’auteur explique alors que dès Pythagore mathématiques et musique entretiennent un rapport particulier : le mathématicien est de ceux qui font correspondre les accords harmonieux avec une autre harmonie, celle des nombres. Ce sont des fractions de nombres entiers qui permettent d’obtenir ce que l’on appelle aujourd’hui les octaves, les quintes et les quartes.
Bien entendu l’exactitude mathématique est mise à l’épreuve, la musique n’étant pas une science aussi exacte. Ainsi, la proposition de Pythagore fonctionne dans l’immense majorité des cas mais conserve une part d’erreur (0,28 % pour être exact). L’harmonie ne dépend en effet pas que des notes jouées, mais aussi des instruments ou, plus important encore, de l’auditeur.
Cette force des mathématiques conduit certains, par le passé, à faire l’analogie entre les « sept astres errants et la voûte céleste » et « les huit notes définissant les sept intervalles de la gamme » (page 35). Le monde, au sens le plus large du terme, serait donc construit à partir de l’harmonie mathématique des nombres. Kepler proposa par exemple d’associer l’orbite des planètes à « une série oscillante de notes dont la durée et l’amplitude dépendent de la période et de l’excentricité de la planète » (page 97).
La proposition musicale de l’auteur s’appuie sur une transmutation d’ondes pour faire des allers-retours entre les ondes gravitationnelles (mais aussi électromagnétiques ou lumineuses) au son. Et ce d’autant plus si, avec lui, nous considérons que le monde et la nature produisent chaque jour des partitions naturelles qu’il nous faut déchiffrer. Le ciel étoilé n’est-il pas après tout le négatif d’une partition infinie ? A l’inverse, la partition est bien un « modèle graphique, la représentation d’un phénomène sonore » (page 141).
L’heureuse coïncidence entre musique et cosmos trouble bien entendu notre représentation contemporaine de la scientificité. L’auteur profite d’ailleurs de son ouvrage pour aborder les sujets clefs de l’interdisciplinarité. Il appelle même à l’ « indisciplinarité », s’appuyant sur Aubouy quand il écrivait que
« la curiosité est trois choses : l’indiscipline comme attitude ; l’ignorance comme valeur ; l’amoralité comme principe ».
Au-delà, le physicien rappelle que la science n’apprend rien : seule l’expérience nous apprend. La science produit des conclusions à partir de l’expérience et chacun, en fonction de l’expérience et de la démonstration qui en découle, peut juger si la conclusion semble « raisonnable » ou non. A l’heure des fake news et de l’usage abusif des articles scientifiques, ce rappel semble nécessaire.
J.-P. Uzan, en nous baladant dans l’univers grâce à la musique, réussit alors à nous faire toucher du bout des doigts l’infini, rendant la complexité bien plus attrayante, bien moins effrayante, bien plus souhaitable.
Guillaume Plaisance