L’importance de la cosmologie ou de la philosophie de la nature

 

Introduction

La cosmologie ou la philosophie de la nature, désigne l’ensemble des disciplines qui étudient, avec les moyens et les approches qui leur sont propres, l’univers en tant qu’il constitue une totalité englobante. Plus précisément ,elle se déploie à partir d’une interrogation sur tout ce qui rassemble la réalité physique spatio-temporelle en un ordre de coappartenance dont il s’agit de déterminer la structure et l’évolution. Loin de céder à une sorte d’hybris intellectuelle, l’interrogation cosmologique est certainement l’investigation qui a le plus contribué à émanciper la conscience humaine en l’arrachant à sa myopie naturelle. De ce fait, on peut définir la cosmologie ou la philosophie de la nature comme la connaissance parfaite de l’être soumis au mouvement. Les mots soumis au mouvement signifient que le mouvement et le changement sont ce qu’il y a de plus caractéristique des causes naturelles et donnent par conséquent la clé de compréhension de ce qu’elles sont. C’est pourquoi la philosophie de la nature étudie les choses naturelles telles que celles-ci se manifestent dans le mouvement. Mais pourquoi dit-on que la philosophie de la nature étudie les choses naturelles ? L’étude cosmologique ou la philosophie de la nature est-elle encore importante ? Cette philosophie de la nature n’a-t-elle pas de limite ? Face à ces questions, notre travail consistera à chercher des réponses plausibles. Ainsi, notre démarche méthodologique dans cette réflexions sera donc analytico-explicative. D’abord nous ébaucherons la philosophie de la nature comme étude du cosmos, ensuite nous aborderons l’importance de l’étude cosmologique et enfin nous verrons  les limites de la philosophie naturelle ou de la cosmologie.

I. Philosophie de la nature comme étude du Cosmos

La cosmologie ou la philosophie de la nature, nous renvoie à plusieurs notions qui lui sont rattachées, telles que la nature, la physique, l’univers ou encore l’espace. Toutes ces entités constituent un champ d’étude de la philosophie de la nature ou de la cosmologie. Elle s’intéresse aux phénomènes physiques et observables de la nature qui sont en mutation et à l’ordre que tout cela laisse voir. En effet, c’est un questionnement philosophique sur l’existence du monde et de tout ce qui y trouve. Comme le dit Hegel « Antique et même moderne, la philosophie de la nature s’est représentée les choses de façon maladroite en envisageant la formation-progressive d’une forme-naturelle et d’un domaine dans une forme-naturelle et un domaine supérieur comme s’il s’agissait d’une production extérieurement-effective, qu’on a cependant, pour la rendre plus claire, rejetée dans les ténèbres du passé. La nature a précisément pour caractéristique cette extériorité qui consiste à séparer les-unes-des-autres les différences et à les faire intervenir à titre d’existences indifférentes ;le concept dialectique qui passe de niveau en niveau constitue ce qui en eux est l’intérieur de nébuleuses représentations, foncièrement sensibles, comme l’est tout particulièrement celle qui consiste, comme on dit, à faire naître, par exemple, les plantes et les bêtes à partir de l’eau, en ensuite les organismes animaux les plus développés à partir des moins développés, etc. »[1]. Par cette hypothèse hégélienne, nous saisissons assez clairement la préoccupation de l’étude cosmologique tant dans l’antiquité qu’au temps moderne.

Ce que peut être une philosophie de la nature dépend de la nature elle-même, autrement dit de ce que nous saisissons d’elle. Le terme nature désigne soit le donné qui existe naturellement, soit le principe qui détermine ce donné en tant que tel donné. Kant distinguait à cet effet, un sens formel tel que le premier principe intérieur de tout ce qui fait partie de l’existence d’une chose, et un sens matériel comme l’ensemble de toutes choses en tant qu’elles peuvent être l’objet de nos sens. D’après la tradition de la philosophie, on ne peut avoir un donné sans principe ni un principe sans donné. C’est l’ensemble qui constitue ce qui est dit être sous la détermination de la nature comme principe ; la nature est constituée en totalité au sens fort. Les sciences modernes nous initient à une façon de considérer la nature qui ne présuppose pas l’articulation principe /donné. Ce qu’il y a, c’est la nature comme donné et telle qu’elle se donne. Mais une philosophie de la nature aujourd’hui ne peut donc se poser simplement en héritière de la physique ancienne, qui à l’époque moderne se situait encore comme une perspective ontologique. Elle doit commencer par recevoir cette connaissance que l’on a aujourd’hui de la nature comme donné et considère comment se présente la nature.

D’autre part, le sens de la nature que nous donne l’écologie aujourd’hui se situe lui-même dans la perspective ouverte par les sciences sur la nature comme donné. La nature dont l’existence préoccupe l’écologisme n’est pas le système physique. Ce sens écologique de la nature arrive bien plutôt au terme des progrès accomplis par les sciences modernes. Cependant, le terme principe désigne une proposition qui exprime une loi d’être comme « tout ce qui devient a une cause »  [2]ou encore « le tout est plus grand que chacune de ses parties ».[3] C’est dans ce sens que nous employons ici le terme principe. Thomas d’Aquin donne de principe pris dans ce sens la définition suivante « le principe est ce dont quelque chose procède, de quelque manière que ce soit »[4].Or, quelque chose peut provenir d’une autre chose dans l’ordre de la connaissance ou dans le monde physique, par exemple, dans l’ordre de la connaissance, les prémisses d’un syllogisme sont le fondement de la connaissance de la conclusion.

Mais dans le monde physique, un principe est ce dont dépend quelque chose dans son existence. Dans cette même optique chez Aristote, la nature est  « l’essence des réalités qui ont en elles-mêmes un principe de mouvement »[5] La nature est donc liée à l’action et au mouvement. Principe de mouvement peut aussi bien signifier un principe actif qu’un principe passif. La nature de quelque chose est le tout constitué de matière et de forme mais le terme signifie avant tout la forme. On appelle aussi, l’ensemble des êtres dans le monde en tant qu’ils agissent harmonieusement.

II. L’ importance de l’étude cosmologique

De prime abord, la cosmologie est une des branches de la physique qui regroupe les études scientifiques portant sur les propriétés de l’univers dans son ensemble et sa structure. Elle permet d’étudier l’origine et l’évolution de l’univers. Les théories et les hypothèses mises en place par la cosmologie permettent d’établir des modèles, qui sont testés avec des observations. Ainsi, la philosophie de la nature permet d’expliquer les concepts et les méthodes employés tels que matière et forme, lieu et temps. En même temps, elle donne l’occasion d’une réflexion sur les résultats des recherches et découvertes scientifiques sur la nature voire les explorations scientifiques.

La cosmologie ou la philosophie de la nature est importante parce qu’elle est rationnelle et possède un esprit critique dans sa manière de voir les choses qui nous entourent par rapport à la science pure. A cet effet, elle aide à l’étude purement scientifique de la nature d’être objective dans ses demarches. Comme nous pouvons le voir « l’intérêt renouvelé pour la philosophie de la nature est nourri aussi par la nécessité de considérations fondamentales sur les connaissances acquises. C’est ainsi que les grands physiciens s’aventurèrent de plus en plus sur le terrain des spéculations philosophiques (par exemple A.S Eddington, A. Einstein, M. Planck, Niels Bohr. de Broglie, Heisenberg).Dans ce contexte on parle de ‘’philosophie de la science’’ au lieu de philosophie de la nature. On veut signifier par ce terme l’étude des problèmes soulevés par la nouvelle science naturelle, tels que(a)la possibilité de connaître la réalité ;(b)le lien entre la connaissance acquise par des instruments et la perception directe ;(c)les hypothèses utilisées telles que la cognoscibilité et l’ordre de l’univers, l’applicabilité de théories, le principe de la causalité… ;(d)la signification des concepts employés(atome ,électron, particules nucléaires, champ, courant, force, rayon ,gène, code génétique…) ;(e)la portée des théories ,notamment de la représentation corpusculaire de la réalité »[6].

Cependant, la cosmologie reste une science très intéressante à étudier sous un angle philosophique. Non seulement qu’elle éclaire sous un nouveau jour des questions fondamentales telles que : quelle est notre origine ? Ou quelle est la place de l’être humain dans la nature ? Mais, en plus, elle offre à la philosophie des sciences des cas concrets où les problèmes du choix des hypothèses, de la démarcation entre science et non-science se confrontent. Ses débats ont permis à d’autres sciences de la nature à devenir des sciences matures et intégrées aux autres branches et à l’origine de nombreuses découvertes qui ont révolutionné notre conception de l’univers.

L’étude de la nature, d’une part, dédivinise la nature et nous libère ainsi des superstitions et des conceptions cosmogoniques que nous avons du monde et de l’univers. Lucrèce, un poète et philosophe latin, développe un matérialisme fondé sur l’atomisme dans un poème constitué de six chants intitulés De natura rerum où selon lui « la connaissance de la nature des choses doit libérer l’homme de la superstition et lui permettre de vivre en harmonie avec l’univers »[7]. Ainsi donc, la cosmologie nous permet d’avoir la connaissance de la réalité naturelle en opposition aux chimères issues de notre esprit trop prompt à croire qu’il existe des forces surnaturelles. Elle libère dans la mesure où elle nous approche des réalités cosmiques.

III. La limite de la philosophie de la nature

Etant l’œuvre de l’initiative et de la pensée humaine, nous voulons souligner que la cosmologie ou la philosophie de la nature est importante et utile mais elle a aussi de lacunes et de limites. Ses démarches sont beaucoup plus théoriques et spéculatives parce qu’elle vise l’essence des choses naturelles et l’ordre de l’univers d’où elles sont. A cet effet, elle n’est qu’une spéculation sur l’ordre de l’univers de tout ce qui existe naturellement, donc une métaphysique. Elle n’est pas une étude qui s’accompagne par la vérification exacte des hypothèses et cela traduit une certaine limite. Certes, elle relève certains défis dans d’autres études scientifiques de la nature et analyse évidemment les résultats obtenus par la science mais cela n’est pas suffisant.

D’ailleurs, l’interférence de la philosophie de la nature d’analyser les résultats scientifiques des recherches et découvertes sur la nature, la rend confuse avec l’étude scientifique de la nature, pourtant il y a de grandes différences entre elles. Par exemple « la philosophie de la nature part d’une perception simple et analyse ce qui est donné dans son universalité pour ramener à ses causes (modus resolutionis).Cette réduction est un acte de l’intellect, dans lequel n’est fait usage d’aucune expérimentation. Elle apporte un certain nombre de conclusions très générales qui valent pour toute la nature(ou pour d’importants groupes de réalités tels que par exemple les êtres vivants).Mentionnons ici la conception selon laquelle tous les corps sont composés de matière première et de forme substantielle ; les définitions du mouvement, du lieu, du temps ; l’analyse de ce qu’est la vie »[8]. Elle ne donne toutefois pas de connaissance détaillée des comportements et propriétés des choses prises à part comme la classe de plantes.

L’étude philosophique cherche à connaitre ce qui est essentiel et ce qui universel et elle a en vue la connaissance des causes efficientes et finales, alors son horizon est restreint à ce niveau. Par contre « les sciences de la nature rassemblent et expliquent (partiellement) un grand nombre de données. Cela se fait à l’aide d’instruments et d’expérimentations. On peut repartir les instruments en deux classes : un premier groupe se situe dans la ligne d’une aide à la perception sensible et sert comme une aide à l’organe qui perçoit (par exemple la lentille) ou au milieu qui transmet l’objet connu (par exemple l’air qui propage le son).Un télescope peut ainsi être considéré  comme un prolongement de la perception normale. Mais beaucoup d’autres instruments ont un caractère tout autre : un radiotélescope donne une autre forme de connaissance, car il suppose une théorie déterminée pour pouvoir livrer une information qui a un sens »[9]. Tous ces exemples nous font voir la différence qui existe entre la philosophie de la nature et les sciences de la nature, aussi bien l’amalgame de la philosophie de la nature ou la cosmologie tantôt comme étude philosophique, tantôt comme étude scientifique.

D’autre part, la cosmologie rencontre des difficultés spécifiques à son objet et incontournables dans son processus même de totalisation. Elle se heurte au fait que l’univers n’est pas un objet en tant que tel, ni le résultat d’une sommation d’objets. En effet, les objets se caractérisent par leur extériorité et leur appartenance à la spatio-temporalité, tandis que l’univers est ce par quoi il y a extériorité et spatio-temporalité. Si la totalité universelle se présente à nous comme une idée, elle risque d’être minée de paradoxes logiques puisqu’elle fait appel à la notion d’ensemble de tous les ensembles.

Il faut aussi noter que, la compréhension humaine de la nature se confronte à une double limite, à savoir la limite biologique et la limite métaphysique .En tant qu’il est un être vivant, l’homme ne peut embrasser la totalité de la nature, mais seulement des fragments de celle-ci en son milieu, et en tant qu’il est une créature à l’entendement limité, l’homme ne peut accéder ni aux principes ni aux fins de la nature. Ces deux limites à la compréhension de la nature ne sont pas à placer sur le même plan ; car la première concerne le vivant en général tandis que la seconde est propre à l’homme .L’homme est un être vivant doué de raison, si bien que sa manière d’appréhender la nature n’est pas seulement biologique. Une compréhension rationnelle proprement humaine de la nature est possible mais comme l’indique la seconde limite, elle ne sera jamais complète à cause de la finitude de notre entendement.

Conclusion

En définitive, la cosmologie ou la philosophie de la nature est l’étude des lois générales de l’univers et de sa constitution d’ensemble tant au point de vue expérimentale, qu’au point de vue métaphysique. Quand les phénomènes naturels ne font pas l’objet d’une étude rationnelle, ils peuvent sembler avoir de causes divines et surnaturelles. Rendre compte rationnellement de la nature libère l’homme de ses peurs superstitieuses et désigne des phénomènes naturels comme ayant des causes aussi naturelles. Mais on ne peut pas définir la nature de la même façon selon qu’on la considère d’un point de vue métaphysique ou ontologique, puisque rendre rationnellement compte de la nature se heurte aux limites de la compréhension humaine. En effet, l’homme a une compréhension proprement humaine de la nature, même si la cosmologie ou la philosophie de la nature suppose une découverte rationnelle de la nature dans son ordre fonctionnel. Malgré tout ce qui a été mentionné, la cosmologie reste une discipline qui vaut la peine d’être étudiée, parce qu’elle s’appuie sur l’autorité de la raison et ouvre des perspectives à mieux appréhender le secret de la nature ou de l’univers.

MbAILASSEM Désiré

Bibliographie

1-Elders Léon, la philosophie de la nature de Saint Thomas d’Aquin, la nature, le cosmos, l’homme, coll. « croire et savoir », éd. Pierre TEQUI, Paris, 1994

2-André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, éd.Paris, 1926

3-Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, éd, Gallimard, 1970

4-Laurence Hansen-Love, la philosophie de A à Z, éd, Hatier, Paris, 2022

 

Notes

[1] Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, éd, Gallimard, 1970, p.240

[2] Elders Léon, la philosophie de la nature de saint Thomas d’Aquin, la nature, le cosmos, l’homme, coll. « Croire et savoir », éd. Pierre TEQUI, Paris 1994 p.45

[3] Elders Léon, op.cit., p.45

[4] Elders Léon, op.cit., p.45

[5] Elders Léon, op.cit., p.71

[6] Elders Léon, la philosophie de la nature de saint Thomas d’Aquin, la nature, le cosmos, l’homme, coll. « croire et savoir », éd. Pierre TEQUI, Paris 1994, p .23

[7] Laurence Hansen-Love, la philosophie de A à Z, Hatier, Paris, éd.2022, p.303

[8] Elders Léon, la philosophie de la nature de Saint Thomas d’Aquin, la nature, le cosmos, l’homme, coll. « croire et savoir »,éd. Pierre TEQUI,Paris,1994 ,p.26

[9] Elders Léon, op.cit., p.26

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