L’interculturalité, réflexion à partir de la pensée de Charles Taylor

L’interculturalité, réflexion à partir de la pensée de Charles Taylor

Résumé : Le multiculturalisme caractérise les sociétés modernes. Ce contexte culturel nous appelle à remettre en question le sens du bien vivre ensemble. L’affirmation de l’identité culturelle, souvent, entraine des tensions entre les différentes communautés. Pour apaiser cette discorde, il est nécessaire de promouvoir la politique de la reconnaissance et de l’interculturalité.  La reconnaissance crée un espace à l’intérieur duquel la différence est valorisée ; et l’interculturalité développe le sentiment du dialogue, d’échange et de la rencontre des horizons divers.

Summary : Multiculturalism is the feature of modern societies.  This cultural context urges us to question the very meaning of a good living together. The assertion of identity often leads to tensions between the different communities.  To appease this discord, it is necessary to promote the politics of acknowledgment and interculturality.  The acknowledgement creates a space within which the difference is valued; and interculturality develops the feeling of exchange and dialogue and the opportunity to meet different horizons.

Introduction

Le monde d’aujourd’hui est marqué par la pluralité de mode de vie, de culture, par la diversité de perception des choses. Différentes cultures vivent côte-à-côte. La décolonisation et les migrations internationales sont les sources de cette forme de multiculturalisme au sein de notre société contemporaine.[1] À partir du moment où les peuples colonisés ont reçu l’indépendance, certains immigrent vers leurs anciennes métropoles. Auparavant, au milieu du XIXe siècle, de nombreux européens émigrent vers l’Amérique. Et après la seconde Guerre Mondiale, l’Europe et l’Amérique du Nord ont besoin des mains d’œuvres pour se construire. Ils font venir de nombreux travailleurs venant d’autres continents pour répondre à cette demande. Depuis peu, la Grèce, l’Italie, l’Allemagne, la France, l’Angleterre sont devenus pays d’immigration pour des personnes qui cherchent une vie meilleure ou fuient la guerre dans leur pays.

Mais ce sujet concernant l’immigration est au cœur de nombreux débats en occident. Des philosophes, des politiciens et des chercheurs dans le domaine de science sociale s’engagent dans ce débat, sans doute à cause de l’altérité et des revendications politiques, juridiques et morales qui en résultent. La rencontre de différentes cultures suscite de nombreuses questions : est-il possible de vivre ensemble dans une société multiculturelle ? Jusqu’à quel point la reconnaissance d’une culture particulière est-elle compatible avec la démocratie libérale ? Les philosophes libéraux (John Rawls, Sandel, Dworkin) et les communautariens (Charles Taylor, Michael Walzer, Will Kymlicka) ont débattu ce sujet autour de la différence culturelle.

Les sociétés occidentales sont confrontées à des problèmes de vivre ensemble liés à l’arrivée des immigrants et au pluralisme de mode de vie. Effectivement, les inégalités, les injustices, les conflits raciaux ou religieux ne cessent d’augmenter ces derniers temps. Le présent article réfléchit sur le vivre ensemble dans des sociétés où le pluralisme culturel prend une place considérable. Dans un premier temps, nous nous proposons de réfléchir sur l’importance de la différence culturelle. Dans un deuxième temps, nous examinerons l’interculturalisme. Et enfin, nous étudierons « la société de dialogue ».

La valorisation de la différence

Le pluralisme culturel dans les démocraties libérales est un sujet difficile à aborder. Car ce sujet entraîne des polémiques et de nombreux questionnements. Lorsqu’on parle de la diversité culturelle, deux tendances s’opposent : les libéraux qui défendent le modèle républicain ou l’uniformité des citoyens et les communautariens qui soutiennent la reconnaissance de la différence. Les libéraux veulent établir un système d’intégration de façon neutre, c’est-à-dire sans prendre en considération la particularité de quelqu’un ou d’un groupe. Ils distinguent clairement ce qui est publique et ce qui est privé. En fait, le courant libéral « vise l’assimilation des individus et des immigrants aux valeurs universalistes de la République, sans égard à leurs valeurs et traditions culturelles particulières »[2], affirme le professeur Jean-Luc Gignac. D’après Alain Policar[3], la conception des penseurs libéraux se fonde sur trois idées. La première idée porte sur l’autonomie de l’individu[4]. Le sujet humain est la seule source de sa propre morale. Chacun est libre de choisir la façon de conduire sa vie. Pour philosophe W. Kymlicka, par exemple, le libéralisme offre à chaque individu la possibilité non seulement de « choisir une conception de la vie bonne, mais peut ensuite décider de [la] remettre en question et d’adopter un nouveau mode de vie qu’il espère alors plus conforme à ses aspirations »[5]. La deuxième idée est la neutralité de l’État. L’État se montre impartial face à l’existence de différentes conceptions de la vie bonne. Il n’a pas le droit de privilégier une manière de vivre particulière ou promouvoir une appartenance singulière. Son rôle se limite à promouvoir la liberté de chacun et à assurer une répartition équitable de ses droits. La troisième idée porte sur la conception nommée « procédurale ».  Il s’agit de l’élaboration de la notion de justice par les citoyens eux-mêmes pour établir une organisation politique commune. Dans ce cas, la justice se définit – pour emprunter les expressions de J. Rawls – comme « A système of cooperation between free and equal person »[6]. Les libéraux distinguent bien la vie privée et la vie publique.  Ils reconnaissent l’existence de plusieurs cultures. Mais ils promeuvent la neutralité et l’égalité de droits et la liberté des citoyens. Pour eux, représenter l’homme de façon universelle fait disparaître toute forme d’inégalités et de discriminations. L’écrivain franco-libanais Amin Maalouf confirme cette vision des penseurs libéraux en précisant :

Si l’on cherche à réduire les inégalités, les injustices, les tensions raciales ou ethniques ou religieuses ou autres, le seul objectif raisonnable, le seul objectif honorable, c’est d’ouvrer pour que chaque citoyen soit traité comme un citoyen à part entière, quelles que soient ses appartenances [7].

Pour les libéraux, le citoyen est libre de décider, de choisir lui-même ses propres valeurs. Ce qui importe pour les libéraux, c’est l’autonomie du « moi » et la création d’un espace commun dans lequel le citoyen met entre parenthèse sa vie privée pour mettre en exergue l’intérêt général.

Par contre, les communautariens, comme Taylor, possèdent une autre vision de la société démocratique. Ils ne reconnaissent pas seulement la diversité culturelle. Ils mettent en valeur aussi l’identité personnelle. Dans son livre intitulé Multiculturalism, Examing the Politics of Recognition (1992), Taylor établit une théorie sur la « politique de la reconnaissance »[8]. Selon Jean-Claude Poizat[9], la politique de reconnaissance de Taylor recouvre deux enjeux : « reconnaître l’égale dignité de tous citoyens au sein d’un système de droit, et reconnaître la spécificité propre à chaque individu en tant que membre d’une société »[10]. L’universalité et particularité sont indissociables. L’égalité de dignité et de droits ne signifie pas l’absence de la différence. Et l’abstraction d’un moi de sa communauté particulière est absurde parce qu’il est ontologiquement enchâssé dans une communauté bien définie. Ses identités personnelles sont en partie déterminées par son attachement communautaire. C’est en vivant à l’intérieur d’une communauté qu’il peut s’épanouir et développer ses potentialités, recevoir une éducation. À ce sujet, Taylor rejoint la pensée d’Aristote selon laquelle l’homme est un animal social. Ainsi, le moi ne doit pas désengager de sa communauté car la communauté culturelle assure la transmission des valeurs morales et offre à l’individu la possibilité de définir sa propre identité. Janie Pélabay confirme cette théorie en écrivant :

La communauté culturelle transmet donc des règles de l’interprétation de soi, des autres, des institutions et du monde extérieur : en tant qu’horizon de signification, elle devient une donnée préalable, une condition de possibilité de l’élaboration de l’identité morale des individus (puisque l’interprétation est aussi acte de discriminations qualitatives)[11].

Policar défend la même théorie en affirmant que l’acte moral est lié à l’identité personnelle. « Pour savoir comment je dois agir, je dois savoir qui je suis »[12], affirme-t-il.

Mais Taylor se distingue des autres penseurs communautariens qui ne soucient que de l’identité commune et mettent en second degré l’identité individuelle. Taylor prend l’égale dignité au même niveau du respect de la singularité.  Il critique la conception qui ne tient compte que de la liberté individuelle et de l’autonomie du sujet. Car il trouve que l’autonomie et l’affirmation de soi ne sont pas innées. Elles se développent et atteignent leur majorité dans le temps. La société instruit l’individu afin qu’il devienne libre et autonome. En fait, la liberté et la capacité de définir son identité personnelle sont acquises au sein d’une communauté. C’est ainsi que l’indifférence à l’identité culturelle n’a pas de sens. Comme C. Taylor, W. Kymlicka reconnaît également l’importance de la mise en valeur de la culture. Certes, Kymlicka est un penseur libéral et défend la priorité de la liberté individuelle. Par contre, dans son livre intitulé La Citoyenneté multiculturelle, le philosophe libéral est persuadé que l’individu existe à travers sa propre culture. Il ne devient personne épanouie qu’à l’intérieur d’une communauté culturelle.

De surcroît, une personne possède forcement une identité fondamentale comme une langue, une histoire, un pays. La non-reconnaissance de cette identité unique est une atteinte à la liberté et à la dignité humaine. Pour que l’homme ne reste pas à l’état de nature, et puisse jouir sa liberté de choisir entre plusieurs options de mode de vie, il faut qu’il ait une importante orientation axiologique. La valeur morale qui s’offre à l’individu provient de sa communauté culturelle. Par ses arguments à propos de la « citoyenneté multiculturelle », Kymlicka défend le droit de l’existence des minorités ethniques. Pour lui, la reconnaissance de l’identité culturelle est un droit au même titre que la liberté d’expression que le libéralisme politique doit valoriser. Elle est également un facteur d’intégration.[13]

Effectivement, dans cet article, le sujet sur l’intégration et les droits culturels nous intéresse en particulier. Car l’accueil des migrants fait couler beaucoup d’encre au niveau politique aussi bien que dans le domaine moral. Actuellement, la démocratie occidentale devient inquiétante à cause de la montée des nationalistes xénophobes, des populismes racistes et anti-migrations. Depuis quelques temps, les propos racistes ne cessent d’atteindre une grande majorité de citoyens européens. Cette situation est angoissante parce qu’elle menace la liberté de chacun et le droit à l’appartenance à une culture. La migration représente-t-elle une menace pour l’Europe ? Est-il impossible de vivre ensemble dans un monde multiculturel ? Taylor, un des pionniers de la théorie de la reconnaissance, prend la politique de la reconnaissance comme la condition sine qua non de l’intégration.  L’absence de la reconnaissance est une injustice envers les minorités culturelles et résulte de l’atomisme social. Amy Gutmann[14] confirme ce point de vue. Dans l’introduction de Multiculturalism, Examing the Politics of Recognition de Taylor, elle affirme que les propos racistes et antisémites sont condamnables sur le plan moral parce qu’ils violent « l’injonction morale la plus élémentaire d’avoir à respecter la dignité de toute être humain, et ne fait que préjuger de l’infériorité fondamentale des autres »[15].

Avec sa théorie de reconnaissance, Taylor voudrait établir une démocratie plus accueillante et ouverte. Pour lui, la politique de la reconnaissance permet également à toutes les communautés culturelles de s’intéresser aux intérêts communs. Taylor met en avant deux sortes de reconnaissances. La première est la reconnaissance de l’égale dignité. Le deuxième est la reconnaissance de la différence. La différence culturelle, la couleur de peau ou autre ne doivent pas être un critère pour exclure une communauté à la vie politique et sociale. Les membres doivent être considérés comme des citoyens à part entière.

Nous soulignons que la reconnaissance égale dont parle Taylor est différente de la théorie de l’égalité des penseurs libéraux. Pour les libéraux, l’égalité signifie l’uniformité de traitement. Il s’agit de l’égalité universelle de la race humaine.

En d’autres termes, du point de vue de la démocratie libérale, une personne possède le droit de revendiquer d’abord et avant tout l’égalité de reconnaissance, sur la base de son identité humaine et son potentiel universel, non sur la base première d’une identité ethnique. Notre identité universelle d’êtres humains est notre identité première et elle est plus fondamentale que toute identité particulière, qu’elle soit de citoyenneté, de sexe, de race ou d’origine ethnique.[16]

Mais pour les penseurs qui prônent la politique de la reconnaissance, l’égalité n’est pas l’uniformisation de traitement pour toutes communautés culturelles. Elle correspond plutôt à la protection et la valorisation de la différence. Ce genre d’égalité est difficile à établir sans un processus interculturel.

L’interculturalité

L’interculturalité est un échange entre différentes cultures. Cet échange vise à briser la barrière causée par la différence, à développer la communication et le respect de l’autre. Effectivement, l’interculturalité crée un espace d’accueil mutuel et de solidarité. Le Conseil de l’Europe réuni à Strasbourg en 1986 a bien défini la notion de l’interculturalité :

L’emploi du mot “interculturel” implique nécessairement, si on attribue au préfixe “inter” sa pleine signification, interaction, échange, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité. Si, au terme “culture” on reconnaît toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquels les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se réfèrent dans les relations avec les autres et dans la conception du monde.[17]

En fait, l’intérculturalité évoque la reconnaissance de l’autre dans sa différence : race, culture, religion, etc. L’objectif de cette reconnaissance est la compréhension mutuelle. Pour comprendre un individu qui a une culture différente que soi-même, il importe de considérer son humanité et son identité propre. À ce sujet, Taylor exprime : « en comprenant chaque culture dans ses propres termes, nous ne pourrons jamais commettre l’erreur de comprendre de travers une culture en lui appliquant les catégories d’une autre »[18]. Ainsi, l’autre n’est pas inférieur à soi-même. Il n’est pas un inconnu qui fait peur mais une personne humaine qui possède une autre culture, une autre valeur ou un autre code culturel.

De plus, l’interculturalité évoque un esprit de partage, de rencontre malgré la diversité. Le philosophe Antoine D’Oliveira confirme cette vision en écrivant :

L’interculturalité qui est condition de la rencontre des horizons, en même temps que le but de leur fusion, est celle qui se définirait comme découverte et respect de la différence, ouverture et compréhension des valeurs communes, intégration mutuelle des horizons de l’un et de l’autre, et enfin dépassement vers un nouvel horizon commun où transsudent à la fois la diversité de chacun et l’universalité de tous[19].

L’interaction est l’une des attitudes adaptées à l’interculturalité. Il s’agit de la volonté d’aller vers l’autre dont l’objectif est de développer une relation profonde. De toute façon, l’interpénétrabilité est la nature même de la culture. « Une culture qui s’y refuse meurt et s’étiole. »[20] L’engagement dans une telle relation demande à porter un jugement sur certaines habitudes de chaque culture. Car accueillir l’autre ne signifie pas adopter tout son point de vue ou ses manières de voir les choses ; il est plutôt l’affrontement entre ceux qui s’engagent dans cette rencontre. Pour cet affrontement, la question fondamentale reste celle de l’intercompréhension, la reconnaissance de l’altérité et le développement de l’empathie. Dans le contexte d’interculturalité, les différences ne sont pas des obstacles à éviter parce qu’elles sont la source d’enrichissement mutuel. Vivre l’interculturel, certes, n’est pas facile, le dialogue est une disposition nécessaire pour l’établir.

La « société de dialogue »

Dans une démocratie libérale, la politique de la reconnaissance est un signe de respect envers les différentes cultures. Le respect est important pour tous les membres d’une communauté parce qu’à travers lui ils se sentent exister et il est également vital en tant qu’il assure la coexistence entre les communautés culturelles. Mais le respect ne suffit pas pour établir une société harmonieuse. Il y a plus de facilité à vivre ensemble de manière pacifique, loin de discrimination si les différentes communautés s’engagent dans un dialogue. Généralement, nous évitons le dialogue avec les étrangers. Nous les prenons comme des personnes non grata ou des envahisseurs dont la présence détruit notre quiétude. De ce point de vue, nous devons nous investir dans le dialogue parce qu’il est la voie pour comprendre vraiment l’identité de l’autre. En examinant la pensée de Taylor, le philosophe Janie Pélabay approuve cette idée en écrivant :

Dans une société où les divergences sur la vie bonne sont profondes et où le besoin d’épanouissement des identités collectives s’intensifie devant les menaces d’homogénéisation, la seule issue qui, selon Taylor, se présente aux citoyens est de favoriser un dialogue totalement ouvert[21].

Le dialogue ouvert permet de comprendre l’autre : son identité, sa culture, et de voir le monde avec un autre regard. C’est en dialoguant que les différentes communautés culturelles arrivent à se comprendre. L’« intercompréhension »[22], comme disait Habermas, intensifie nos relations interpersonnelles et favorise un esprit fraternel. L’intercompréhension nous aide aussi à harmoniser la vie sociale. Le langage joue en effet un rôle primordial dans le processus de l’intercompréhension. Sans dialogue, il n’y a pas d’intercompréhension et de cohabitation ordonnée. La compréhension de l’autre implique d’appliquer ce que Taylor appelle les « caractères de désirabilité » : « Je parviens à comprendre quelqu’un lorsque je comprends ses émotions, ses aspirations, ce qu’il trouve admirable ou condamnable chez lui et chez les autres, ce qui l’attire et ce qui lui répugne, etc. »[23]

Par ailleurs, le dialogue fait partie de notre nature parce que nous sommes des êtres-avec-autrui. « Nous sommes condamnés (mais cela est fondamentalement positif) à être en perpétuel dialogue avec les autres[24], exprime Pélabay. Le romancier allemand Herbert Christ compare le dialogue interculturel à des regards qui se croisent. Le regard du « moi » envers autrui pousse le « moi » à poser des questions sur la culture, la tradition, les centres d’intérêt de l’autre. Le regard de l’autre invite le « moi » à poser des questions sur sa propre identité.[25] Autrement dit, en se croisant du regard, l’autre apparaît comme un miroir pour le « moi », de la même façon, le moi un miroir pour l’autre.

Le dialogue entre les diverses cultures, souvent, semble impossible à réaliser parce que de nombreux citoyens sont bloqués dans la conception sartrienne de l’autre. Sartre prend l’autre comme un danger, une prison qui l’empêche de s’épanouir. « Ma chute originelle, c’est l’existence de l’autre »[26], affirme Sartre. Cette vision sartrienne peut engendrer, la peur, la haine envers autrui, et la haine ne favorise pas la vie ensemble. Au contraire, elle la détruit. Nous savons que l’instrumentalisation de la haine a déjà ôté la vie à de nombreuses personnes. Souvenons-nous des conflits en Indonésie en 1967 et en 1998, au Rwanda en 1994, le cas des Rohingya en Birmanie en 1993 et en 2017. De nombreuses personnes ont perdu la vie à cause des tensions ethniques, sociales et religieuses. Vu cette situation, le système libéral n’a-t-il pas raison s’il prône la neutralité et l’universalité ? Pourtant, neutraliser l’identité propre d’une personne ou d’une communauté, c’est comme si on l’amputait d’un membre de son corps. Nous pensons que les recommandations établies par la rencontre internationale organisée par l’UNESCO à Paris en 1999 : « Vers un pluralisme constructif », vont dans le bon sens de la préservation de l’identité culturelle, du respect et de la cohésion sociale :

Que le groupe religieux, ethnique, linguistique ou autre, soit animé d’un esprit qui lui est propre pour favoriser une bonne entente de respect mutuel les uns à l’égard des autres. Que pour préserver l’identité de ceux qui sont déplacés comme migrants ou trans-migrants ou qui sont victimes de l’urbanisme, il leur soit accordé les aides nécessaires à chacun de ses membres. Que l’éducation soit développée pour favoriser l’interaction et le respect mutuel entre différentes communautés humaines. Que tous les groupes se retrouvent dans un même dialogue de façon à favoriser une meilleure compréhension du multiculturalisme et de ses valeurs[27].

Vu cette situation, la reconnaissance de l’existence des différentes cultures ne suffit pas à éliminer la fraction de la vie sociale. Le dialogue interculturel reste primordial, sinon le « vivre-ensemble » devient difficile, voire impossible. En fait, ce qui importe dans l’interculturalité, c’est qu’il n’y a pas de cultures qui prétendent d’avoir des valeurs absolues. En effet, toutes les cultures s’inspirent et s’autocritiquent les unes les autres. C’est la raison pour laquelle Jean Paul II affirme qu’une culture qui se ferme sur elle-même se voue à la disparition.

Quand une culture se ferme sur elle-même et cherche à perpétuer des manières de vivre vieillies, en refusant tout échange et toute confrontation au sujet de la vérité de l’homme, elle devient stérile et vas vers la décadence[28].

L’interaction entre les cultures est bénéfique pour tous les citoyens et pour la démocratie moderne parce que sans cet échange réciproque, il devient difficile d’accueillir et de s’ouvrir aux autres cultures. Le manque de dialogue peut provoquer la méfiance envers autrui. Si la méfiance domine la société, la vie ensemble sera compliquée. Car la haine, l’humilité et le repliement sur soi peuvent prendre le dessus. C’est la raison pour laquelle Taylor insiste sur l’instauration d’une « société de dialogue » (« dialogue society »[29]). Taylor rend compte que le multiculturalisme a une défaillance. Car le multiculturalisme favorise uniquement la reconnaissance des différentes communautés culturelles et leurs coexistences. Cette reconnaissance n’assure pas la bonne entente entre les cultures différentes. Au contraire, elle peut conduire à la justification de l’isolement des cultures. Ainsi, Taylor veut aller encore plus loin dans sa réflexion. C’est pour cette raison que, dans son rapport au sujet de la « consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles », mise place par le premier ministre québécois en 2007-2008, il défend l’interculturalité.[30] Car Taylor comprend que l’interculturalité évite la ghettoïsation des cultures, et crée une cohabitation harmonieuse et empêche des préjugés négatifs envers certains groupes culturels. Il permet également de découvrir une nouvelle option de mode de vie.

Dans l’interculturalité, le dialogue a une grande importance parce qu’il est le principe fondateur du « mélange des horizons » (« fusion of horizons »[31]) ou l’union des horizons culturels. En s’échangeant, les cultures pourraient se fusionner pour créer une nouvelle valeur. En commentant Gadamer, J. Grondin affirme que la fusion des horizons implique la transformation d’une culture, et sera également l’occasion d’une « nouvelle naissance »[32]. En réalité, la fusion des horizons n’est pas inhabituelle. Car une culture vivante n’est pas statique ou fermée sur elle-même. Elle est dynamique et appelée à rencontrer d’autres cultures. Notons que la notion d’interculturalité présentée par Taylor concerne d’abord la reconnaissance des diverses communautés culturelles de l’État fédéral du Canada.[33] Taylor étudie la situation de son pays pour chercher une solution sur des questions qui font débat à propos du multiculturalisme. Taylor perçoit que le dialogue interculturel améliore le lien social et enrichit les valeurs des communautés culturelles.

Il convient de souligner que la fusion des horizons ne va pas sans difficulté. Comme écrit Grondin, « il n’y a pas de fusion sans étincelles, sans flammèches »[34]. Si Grondin utilise l’image de la flamme pour expliquer la fusion des horizons, c’est pour évoquer la difficulté du processus de la fusion. Fusionner des horizons culturels demande la flexibilité, la compréhension de soi et de l’autre. Le psychologue Toshiaki Kozakaï défend cette idée en exprimant que dialoguer, c’est accepter certaines transformations de soi.[35] L’échange interculturel consiste à garder sa propre identité et être prêt à se transformer progressivement par la rencontre avec d’autres cultures. Autrement dit, il importe que les étrangers adoptent les normes et les valeurs de la société d’accueil, et les autochtones acceptent les valeurs amenées par les étrangers[36]. Mais ce rapprochement des cultures doit être « juste et équitable »[37]. Pour atteindre cet objectif, Taylor met en exergue la théorie de la présomption d’égal respect des cultures : « Nous avons un égal respect à toutes les cultures »[38], exprime-t-il.  Taylor avance cette notion de présomption pour éviter tous les préjugés négatifs ou hâtifs envers une culture ; par exemple, la considération d’une culture comme sauvage ou supérieure à tout autre. « (…) les jugements vont emprisonner les autres dans nos catégories »[39].

Certes, chaque culture est unique et distincte. Affirmer que toutes cultures sont égales, c’est nier à chacune d’elles leurs richesses ou leurs caractères particuliers. Mais si Taylor défend la présomption d’égalité, c’est parce qu’« il y a quelque chose de recevable dans cette présomption, mais qu’elle n’est nullement dépourvue de difficultés et qu’elle implique une sorte d’acte de foi »[40]. Le philosophe canadien comprend que pour procéder à un dialogue, il faut avoir une idée comme point de départ. La présupposition d’égal respect n’est qu’un postulat pour démarrer la conversation. Une attitude méprisante envers l’autre ou l’incapacité d’effectuer une « décentration » par rapport à sa propre culture n’amorce pas le dialogue. Pour aller vers autrui, entrer en dialogue avec lui, il faut le considérer comme soi-même. Taylor se montre prudent. Il ne veut pas tomber dans un « ethnocentrisme condescendant teinté d’expression de respect pour l’autre »[41].

La supposition d’égal respect ne signifie pas la même grandeur. Car il existe des cultures qui incitent à la violence, à l’injustice, à la discrimination, etc.  C’est pourquoi, chaque culture mérite d’être examinée. « À l’examen, soit nous trouverons quelque chose de grande valeur dans telle culture, soit nous ne le trouverons pas. »[42] Certes, la reconnaissance de la particularité de chaque culture est incontournable. Mais la reconnaissance exige de porter un jugement de valeur vis-à-vis de chaque pratique ou tradition. L’objectif de cette étude, c’est de voir si une culture respecte la liberté et la dignité humaine ou non. Ainsi, le « mélange des horizons » évoqué par Taylor ne signifie pas l’abandon de sa propre culture ou la construction d’une culture universelle qui se fonde sur des critères de « la civilisation de l’Atlantique Nord ».[43] Il est plutôt l’accueil de l’autre comme un autre nous-mêmes tout en respectant sa singularité et sa dignité en tant qu’être humain.

Conclusion

Dans ce présent article nous avons réfléchi à propos de la construction du vivre ensemble dans notre société démocratique où le pluralisme culturel tient une place importante. Nous savons que, au cours des dernières décennies, notre société est marquée par l’essor de l’intolérance, la discrimination et des propos racistes anti-migrants. Nous avons mentionné que le multiculturalisme pourrait conduire à la fragmentation et à l’isolement de certains groupes. Cet isolement peut générer des tensions et des conflits. Ainsi, nous pouvons dire aussi que le multiculturalisme prôné par C. Taylor présente le risque de violence. En privilégiant les valeurs de la communauté et la pluralité des identités, l’extrémisme et les conflits entre les différentes communautés pourraient apparaître. En d’autres termes, le fait de ne tenir compte que de la différence crée des murs entre les individus qui appartiennent à des communautés différentes. Nous avons ensuite mis en valeur l’interculturalisme. La relation multiculturelle aide à vivre dans la bonne entente, diminue les conflits et la violence et détruit les barrières qui empêchent les individus de culture différente de s’entendre. Le dialogue est l’une des attitudes que nous pouvons adopter pour établir un vivre ensemble dans une cohésion pacifique. C’est par le dialogue que les différents groupes culturels peuvent développer l’empathie, l’écoute et la compréhension mutuelle.

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RABEZARA Solofoniaina, Docteur en philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse

[1]. cf. V. CRISPI, « L’interculturalité », in Télémaque, n° 47, 2015, p. 19.

[2]. J-L. GIGNAC, « Sur le multiculturalisme et la politique de la différence identitaire : Taylor, Walzer, Kymlicka », in Politique et Société, Vol. 16, n°2, 1997, p. 34.

[3]. A. POLICAR, professeur agrégé de sciences sociales à l’université de Limoges.

[4]. cf. A. POLICAR, « Citoyenneté républicaine et pluralisme culturel », in DEES, n° 126, 2001, p. 10.

[5]. W. KYMLYCKA, La Citoyenneté multiculturelle, Une théorie libérale du droit des minorités, Montréal, Boréal, 2001, p. 120.

[6]. « un système de coopération entre personnes libres et égaux. » (Notre traduction J. RAWLS, « Justice as Fairness: Political not Metaphysical », in Philosophy and Public affairs, Vol. 14, n°3, 1985, p. 249.

[7]. A. MAALOUF, Les Identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998, p. 176.

[8]. cf. C. TAYLOR, Multiculturalisme, Différence et démocratie, Paris, Flammarion, (coll. « Champs »), 1997.

[9]. Jean-Claude Poizat est professeur agrégé de philosophie, et docteur en sciences politiques à l’IEP de Paris. Il est rédacteur en chef adjoint de la revue Le Philosophoire, et coauteur du Dictionnaire des idées politiques, publié aux Éditions Dalloz-Sirey en 1998.

[10]. J.-C. POIZAT, « Le Communautarisme et la question du droit des minorités selon Charles Taylor, Contre un déni de justice », in Politique et Société, Vol. 16, n°2, 1997, p. 24.

[11]. J. PÉLABAY, Charles Taylor, penseur de la pluralité, Les Presses de l’Université Laval, L’Harmattan, 2001, p. 48.

[12]. A. POLICAR, « Citoyenneté républicaine et pluralisme culturel », op. cit., p. 11.

[13]. cf. W. KYMLICKA, The Right of Minority Culture, Oxford, Oxford University Press, 1995, p. 173.

[14]. Amy Gutmann, directrice du Centre universitaire pour les valeurs humaines à Princeton.

[15]. A. GUTMANN, « Introduction », in C. TAYLOR, Multiculturalisme, op. cit., p. 38.

[16]. S. ROCKEFELLER, « Commentaire », in C. TAYLOR, Multiculturalisme, op. cit., p. 116-117.

[17].  Cité par De CARLO Maddalena, L’Interculturel, Paris, CLE International, 1998, p. 41.

[18]. C. TAYLOR, « Compréhension et ethnocentrisme », in Charles TAYLOR, La Liberté des modernes, Paris, PUF, 1997, p. 207.

[19]. A. D’OLIVEIRA, Identité, horizon moral, interculturalité, Charles Taylor face aux défis (post) modernes de l’humain, Paris, Cerf, 2018, p. 345.

[20]. Ibid., p. 328.

[21].  J. PELABAY, Charles Taylor, penseur de la pluralité, op. cit., p. 312.

[22].  « Le terme intercompréhension (Verständigung) a pour signification minimale qu’(au moins) deux sujets capables de parler et d’agir comprennent identiquement une expression langagière. » L’intercompréhension exprime l’idée d’une compréhension mutuelle. cf. J. Habermas, Théorie de l’agir communicationnel, t. I, Paris, Fayard, 1987, p. 315.

[23].  C. TAYLOR, « Compréhension et ethnocentrisme », op. cit. p. 199.

[24]. J. PELABAY, Charles Taylor, penseur de la pluralité, op. cit., p. 312.

[25]. cf. H. CHRIST, « De la ‘Realienkunde’ à l’apprentissage interculturel : le développement du discours sur la conception de l’autre en Allemagne », in Holtzer, Gisèle et Michael Wendt (dir.), Didactique comparée des langues et études terminologiques. Interculturel – Stratégies – Consciences langagières, Frankfurt, /M. : Peter Lang. (Kolloquium Fremdsprachenunterricht), 2000, p. 20.

[26]. J.-P. SARTRE, L’Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1976, p. 321.

[27]. William CHANG, « Multiculturalisme constructif », Missions Étrangères de Paris, n° 495 2014, p. 16.

[28]. J. PAUL II, Centesimus  annus, § 50, in Les Encyclique de Jean Paul II, Paris, Pierre Téqui, 2003, p. 535.

[29]cf. C. TAYLOR, The Pattern of politics, Toronto, McClelland Stewart, 1970, p. 124.

[30]. G. BOUCHARD, C. TAYLOR, Fonder l’avenir, Le temps de la conciliation, Québec, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2008, p. 20.

[31]cf. C. TAYLOR, Multiculturalisme, p. 98. cf. aussi H.-G. GADAMER, Vérité et Méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Seuil, 1996.

[32]. J. GRONDIN, « La fusion des horizons, La version gadamérienne de l’adæquatio rei et intellectus ? », Archives de philosophie, t. 68, 2005/3, p. 405.

[33]. cf. C. TAYLOR, « Le pluralisme et le dualisme », in Alain-G. Gagnon (dir.), Québec : État et société, t. I, Montréal, Les Éditions Québec/Amérique, 1994, p. 61-84.

[34].  J. GRONDIN, art. cit., p. 405.

[35]. cf. T. KOZAKAÏ, L’Étranger, identité, essai sur l’intégration culturelle, Paris, Payot, 2007.

[36]. Nous soulignons que la tolérance ne va pas jusqu’à accepter des erreurs graves et fondamentales par lâcheté et désir exagéré de conciliation.

[37].  A. D’OLIVEIRA, Identité, horizon moral, interculturalité, op. cit., p. 330.

[38].  C. TAYLOR, Multiculturalisme, op. cit., p. 90.

[39]Idem., p. 96.

[40]Ibid., p. 90.

[41].  A. D’OLIVEIRA, Identité, horizon moral, interculturalité, op. cit., p. 332.

[42].  C. TAYLOR, Multiculturalisme, op. cit., p. 93.

[43]. Idem., p. 96.

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