Machiavel et la démocratie

machiavel politique

Machiavel : du conseiller du Prince au penseur démocrate

Qu’est-ce qui fait la modernité de Machiavel, et particulièrement du Prince ? C’est précisément l’esprit de la Renaissance, la tentative de retour aux penseurs grecs, ce qui implique une sécularisation de la pensée politique.
Machiavel pense en effet le cadre politique en dehors du religieux, l’Etat sans Dieu.

Pour analyser Machiavel, il faut revenir aux textes eux-mêmes tant il s’agit d’un auteur polémique. En effet, la difficulté provient toujours de l’absence de normativité de Machiavel : rares sont les normes recommandées par Machiavel, la plupart de ses analyses sont descriptives.

Le Prince, bien qu’il s’agisse de l’œuvre phare de Machiavel, ne nous renseigne pas sur sa philosophie de la démocratie, puisqu’il n’y traite que des monarchies, ou principautés.

C’est bien plutôt dans le Discours sur la première décade de Tite-Live que Machiavel nous livre sa conception de la République.
Machiavel décrit l’histoire des Etats comme l’alternance de 3 régimes : la monarchie, l’aristocratie et la démocratie.

au commencement du monde, les habitants de la terre étaient en petit nombre, et ils vécurent longtemps dispersés comme les animaux ; la population s’étant accrue, ils se réunirent ; et, afin de se mieux défendre, ils commencèrent à distinguer celui qui parmi eux était le plus robuste; ils en firent comme leur chef et lui obéirent. […]Alors, quand il fut question d’élire un chef, on cessa d’aller à la recherche du plus courageux, on choisit le plus sage, et surtout le plus juste; mais, le prince venant ensuite à régner par droit de succession et non par le suffrage du peuple, les héritiers dégénérèrent bientôt de leurs ancêtres; Vivant dans le luxe, le prince commença dès lors à exciter la haine ; la haine l’environna de terreur; mais, passant promptement de la crainte à l’offense, la tyrannie ne tarda pas à naître. Telles furent les causes de la chute des princes ; alors s’ourdirent contre eux les complots mais où l’on vit entrer surtout ceux qui surpassaient les autres en générosité, en grandeur d’âme, en richesse, en naissance, et qui ne pouvaient supporter la vie criminelle d’un tel prince.La multitude s’armait contre le souverain, et après son châtiment elle leur obéissait comme à ses libérateurs. Ces derniers, haïssant jusqu’au nom du prince, organisaient entre eux un gouvernement ils conformaient leur conduite aux lois qu’ils avaient données : préférant le bien public à leur propre avantage, ils gouvernaient avec justice et veillaient avec le même soin à la conservation des intérêts communs et particuliers. Lorsque le pouvoir passa dans les mains de leurs fils, comme ces derniers ignoraient les caprices de la fortune, et que le malheur ne les avait point éprouvés, ils ne voulurent point se contenter de l’égalité civile; mais, se livrant à l’avarice et à l’ambition, arrachant les femmes à leurs maris, ils changèrent le gouvernement, qui jusqu’alors avait été aristocratique, en une oligarchie qui ne respecta plus aucun des droits des citoyens. Ils éprouvèrent bientôt le même sort que le tyran : la multitude, fatiguée de leur domination, se fit l’instrument de quiconque voulait la venger de ses oppresseurs, et il ne tarda pas à s’élever un homme qui, avec l’appui du peuple, parvint à les renverser.On se tourna vers l’état populaire, et on l’organisa de manière que ni le petit nombre des grands, ni le prince, n’y obtinrent aucune autorité. Comme tout gouvernement inspire à son origine quelque respect, l’état populaire se maintint d’abord, mais on ne fut pas longtemps sans tomber dans un état de licence où l’on ne craignit plus ni les simples citoyens, ni les hommes publics : de sorte que, tout le monde vivant selon son caprice, chaque jour était la source de mille outrages. Fatigué d’une telle licence, on en revint à l’empire d’un seul, pour retomber encore de chute en chute, de la même manière et par les mêmes causes, dans les horreurs de l’anarchie.Tel est le cercle dans lequel roulent tous les États qui ont existé ou qui subsistent encore.

Machiavel et les régimes politiques

Selon lui, les 3 trois formes de gouvernements sont imparfaites et sont donc renversées.
La monarchie (gouvernement d’un seul) se transforme en despotisme (gouvernement d’un seul par la force), puis l’aristocratie (gouvernement vient. Elle-même mue en oligarchie (gouvernement des plus riches). Enfin, la démocratie tourne en licence. Ainsi revient-on à la monarchie.
Chaque régime, par conséquent, porte en lui les germes de sa propre corruption (on notera le superbe mouvement dialectique).

Cette théorie de l’évolution du régime n’empêche pas Machiavel, au chapitre 19, de se prononcer très clairement en faveur de la démocratie :
Un peuple qui commande, sous l’empire d’une bonne constitution, sera aussi stable, aussi prudent, aussi reconnaissant qu’un prince ; que dis-je ? il le sera plus encore que le prince le plus estimé pour sa sagesse. D’un autre côté, un prince qui a su se délivrer du joug des lois sera plus ingrat, plus mobile, plus imprudent que le peuple

Machiavel invente ici ce qui fondera toutes les théories modernes de la démocratie : le pari de l’intelligence collective. La légitimité du peuple à gouverner provient de sa sagesse. Seul le peuple peut être républicain, autrement dit peut gouverner dans l’intérêt commun. Cet acquis est définitif. Les successeurs de Machiavel, dont Rousseau dans son Contrat Social, reprendront tous à leur compte ce principe fondateur.

L’entrée dans la modernité de la science politique est donc liée à l’approche a posteriori et descriptive, à la confiance mise dans le gouvernement du peuple.

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4 Comments

  1. says: Anonymous

    rétrospective utile.Mais il manque Hobbes, qui est le vrai fondateur de la pensée politique moderne. dans le Leviathan, il raconte la naissance de l'Etat moderne, commme dépositaire de l'autorité, suite à l'abandon de la violence par les hommes. La description de l'état de nature sont également précieuses sur la politique.Spinoza aurait aussi pu être évoqué pour le Traité Théologico-politique : il crée le libéralisme politique en faisant obéir la religion à la politique. Il institutionnalise la liberté dans le champ politique, expliquant que c'est toujours le manque, et non l'excès qui ruine l'Etat.

  2. says: Anonymous

    quelles vieilleries !la modernité politique commence avec Marx, le seul qui ai pensé la politique en dehors du religieux.

  3. says: Anonymous

    la conception de la politique chez machiavel est celle du pragmatismeIl a libéré la politique de Dieu, bien avant Nietzsche !Dieu est mort

  4. says: Anonyme

    Quelle affirmation sans fondement. Comme si le siècle des Lumières s’était appuyé sur la religion pour penser la politique…
    Marx est loin d’avoir le monopole de la réflexion en dehors de la religion !

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