Machiavel, philosophe du pouvoir politique

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Machiavel : A la recherche du chef d’Etat idéal

La question du rapport entre pouvoir, Etat, politique et morale est au cœur de la pensée de Machiavel: qu’est-ce qu’un bon chef d’état ? Quelles qualités font un bon politique ? Comment doit-il gérer la vie politique ?

Pour ne pas redécouvrir la lune, jetons un coup d’oeil sur le penseur qui a fondé la philosophie politique moderne : Machiavel. Dans son célèbre texte Le Prince, le florentin, qui a passé sa vie au plus près du pouvoir auprès de César Borgia à qui s’adresse Le Prince, tente un portrait-robot du gouvernant.

D’emblée, Machiavel réfute toute conception morale du pouvoir : le chef de l’état ne doit pas obéir à une morale fixe, mais s’adapter aux circonstances, ce qu’il appelle la fortune (”fortuna”, en latin, signifie la chance, le destin). En dissociant la morale du pouvoir, il ne dit pourtant pas que le chef de l’état doive être immoral, mais qu’il peut s’affranchir de la morale si c’est nécessaire. C’est ce qu’aujourd’hui on appellerait le pragmatisme, ou le primat de la fin sur les moyens. Autrement dit, le chef de l’état doit maîtriser et faire foin de toute idéalisme qui le contraindrait à moraliser sa politique.  La morale de Machiavel n’est donc pas un formalisme éthique (comme chez kant par exemple), mais plutôt une invention permanente de celui qui la pratique : la morale machiavélienne est immanente, et non transcendante.

Kant s’opposera à cette conception du pouvoir, en plaçant les intentions au-dessus des résultats. A la différence, pour Machiavel, l’action politique ne peut être jugé que sur sa réalité et non sur ses potentialités ou les intentions qui la fondent. Machiavel définit le champ politique comme le lieu d’affrontement du destin (fortuna) et de la volonté (virtu). Le chef d’Etat doit incarner cette volonté de dépassement de la nécessité, le dépassement des contraintes naturelles ou conjoncturelles.

Un personnage en vue :

Avant tout, le chef de l’état est un personnage public, il est sans cesse “en vue“(d’autant plus dans nos démocraties médiatiques, ou “médiacratie”). C’est pour cette raison qu’il doit maîtriser son image : il doit donc paraître posséder des qualités qu’il ne détient pas forcément. Ses défauts seront cachés au public pour ne pas le déstabiliser. On voit à quel point ceci est moderne. Aujourd’hui, ce sont les conseillers en communication (“spin doctors”) qui gèrent l’image des hommes politiques via des méthodes telles que l’analyse des sondages ou le media training, en tentant de les faire apparaître sous leur meilleur jour. Parce qu’il est en permanence sous le regard des autres, le politique de Machiavel doit dissimiler ses défauts et feindre des qualités qu’il ne détient pas.

Machiavel et la maîtrise de la vie politique :

Le chef de l’état doit également mettre sous contrôle ses opposants. Machiavel prône à leur égard une politique de fermeté. La dissidence doit être endiguée car elle est la racine de la révolte. Or, selon Machiavel, cela va de soi, le chef de l’état n’a qu’un seul but : la conservation du pouvoir. En un mot : la fin, là aussi, justifie les moyens. Si le politique est menacé par ses opposants, il ne doit pas s’empêcher de les emprisonner.

Ainsi, le trait dominant du “bon” chef de l’état, c’est la “VIRTU”, c’est-à-dire le contrôle, la maîtrise : de soi (l’image), de l’avenir (le destin), de ses opposants (la vie politique). Cette politique de contrôle est, de nos jours, appelée RealPolitik.

C’est loin du cynisme auquel Machiavel est souvent réduit …

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18 Comments

  1. says: Anonymous

    UNE AUTRE IMAGE SVPLe seul modèle qui précédait Machiavel était le Pape et César.Ne pourrait-on nous citer d’autres théoriciens politiques plus modernes qui prennent en compte l’évolution de la Renaissance et de la Réforme et seraient donc plus proches de l’Europe atuelle ? N’existe-t-il pas d’autres alternatives dans l’image du pouvoir ? Notre société n’a t elle pas besoin d’exemples, de biographies autres que ce Machiavel froidement théorique qui nous encombre avec son “état”? N’a-t-on pas besoin plutôt d’un bon Président européen à la tête de nombreuses présidences régionales ? Quelle théorie et quelles idéologies nouvelles pour ces fonctions? Quel Cohn Bendit vulgarisateur pourrait-il nous écrire un livre passionnant sur le sujet ? Un petit citoyen de base qui cherche le sens de tout ça !Martin

  2. says: actus politikus

    Merci Martin pour ton commentaire.Un mot sur ta réponse : ce billet aurait pu s’intituler “Actualité de Machivael”.La pensée de Machiavel est fondée sur une conception du pouvoir reposant sur la légitimité. Pour acquérir cette légitimité, machiavel autorise les chefs d’Etat à suspendre leur morale.N’est-ce pas le cas de tous les responsables politiques ?D’autre part, son oeuvre est loin d’être théorique : rappelons qu’il a travaillé pour la famille Médicis une bonne partie de sa vie et qu’il a œuvré de son vivant pour l’unité de l’Italie, déchirée par ses guerres intestines entre royaumes.

  3. says: Anonymous

    débat peu utile : Machiavel est dépassé depuis Rousseau, Montesquieu, les premiers à avoir penser les vraies démocraties modernes.

  4. says: Anonymous

    le pouvoir pour Machiavel, c'est éliminer les ennemis !Prendre les autres comme des moyens pour atteindre sa fin, la conquête du pouvoirC'est la conception du pouvoir de tous les politiques (sarkozy, chirac, strauss-kahn, de villepin, bayrou, le pen, …)La vie politique est un cimetière où gisent les vaincus, les moins ambitieux, les plus vertueux : je pense à Rocard et à Jospin

  5. says: Anonymous

    politique et morale ne font jamais bon ménage : c'est là la grande leçon de machiavel

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  8. says: Abdoulaye datie

    Peut-on dire de Rousseau comparaison du gouvernement avec l’homme politique pourquoi Rousseau aborde -t-il seulement la souveraineté? De la monarchie comme le chef d’État africain.

  9. says: inconnu

    Désolé mais je vais te dire faux à ce niveau.je pense que t’as pas bien saisie Machiavel

  10. says: llz

    Attention à la coquille, Machiavel a adressé Le Prince à Laurent II de Médicis et non à César Borgia…

  11. says: Nicky

    Débat très intéressant. Les pensées machiavéliques ont encore leur implications dans les sociétés modernes.

  12. says: John Locke

    Je crois que l’œuvre (Le prince) de Machiavel est incontestablement plein de sens. Il convient donc de réexaminer le contexte de son écriture pour une meilleure appréhension de sa pensée politique.

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