Marcuse : l’Homme Unidimensionnel (Commentaire)

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L’homme unidimensionnel est une oeuvre d’Herbert Marcuse, philosophe allemand de l’Ecole de Francfort (à laquelle ont également appartenu Habermas, Horkheimer ou encore Adorno). C’est une oeuvre militante qui critique le devenir des sociétés modernes, dont le capitalisme et la démocratie libérale sont les traits majeurs. La thèse de Marcuse est que la société moderne n’est qu’un artefact de liberté, d’autant plus pernicieux qu’elle se fait passer pour un régime de liberté.

Modernité et critique

Les sociétés modernes sont des “sociétés closes” qui intègrent toutes les dimensions de l’existence humaine, privée et publique. La démocratie des société occidentales est ainsi selon Marcuse le meilleur régime de domination (la filiation marxiste de cette critique est assez évidente pour ne pas la souligner). La démocratie, sous l’apparence de la liberté d’expression, “étouffe les forces révolutionnaires par de nouvelles formes de contrôle total”. La protestation devient ainsi vaine, puisque la société est non-explosive, puisque la pensée est à la merci des pouvoirs.

Marcuse semble ainsi regretter le XIXème siècle, société fondée sur l’antagonisme de classe, prolétariat contre bourgeoisie, société civile contre Etat. Le XXème siècle se caractérise ainsi par une “politique d’intégration croissante” des masses autrefois ostensiblement exclues. Aujourd’hui, elles ont été intégré au système pour le protéger.

Le totalitarisme des sociétés industrielles avancées

Dans les sociétés industrielles avancées, Marcuse affirme que l’appareil de production est totalitaire, en ce sans qu’il détermine les activités, les attitudes et les aptitudes qu’implique la vie sociale. Elle définit et régule aussi les aspirations et les besoins individuels. Ainsi, la création de faux besoins et le contrôle de ces mêmes besoins ont pour corollaire la disparition de la frontière vie privée/vie publique : seul le consommateur demeure. C’est cette unique condition ontologique que Marcuse nomme “undimensionnelle“.

Le pluralisme des démocraties est une illusion qui cherche à masquer que “le système spécifique de production et de distribution qu’a la forme du gouvernement“. C’est le pouvoir critique de l’individu qui définit le degré de démocratie d’une société. Or, selon Marcuse, la pensée individuelle est “noyée dans les communications de masse”. Il pointe ainsi le double rôle des médias : informer/divertir, et conditionner/endoctriner. Les comportements et les pensées s’unidimensionnalisent par la publicité, l’industrie des loisirs et de l’information. La pensée unidimensionnelle est le le “système dominant qui coordonne toutes les idées et tous les objectifs avec ceux qu’il produit, dont il les enferme et rejette ceux qui sont inconciliables”.

Les protestations, intégrées au système, ne sont plus négatives, elles ont pour fonction de justifier le statu quo. Cette négation de la critique est une négation de la transcendance, qui est une aspiration fondamentale de l’homme. Le système social est statique, dans une logique d’enfermement.

La société a en effet crée une sorte d’harmonie pré-établie entres les intérêts antagonistes de la société civile. Marcuse pointe le monisme politique où le pluralisme n’est qu’apparent, n’est qu’un simulacre.

Même les ennemis des institutions et de la démocratie sont devenus “une force normale à l’intérieur du système”. Le renversement est ainsi historique : si au départ, c’est la critique de la société civile qui permet à l’Etat de réguler son pouvoir, c’est aujourd’hui l’Etat qui bride la critique et l’affaiblit.

Même ce que Marcuse appelle la “culture supérieure” (avec des accents évidemment nietzschéens), autrement l’ensemble des éléments oppositionnels et transcendants d’une société, a été incorporée à l’ordre établi. Cette déchéance résulterait selon le théoricien de l’Ecole de Francfort de la communication de masse, laquelle a marchandisé les domaines culturels (musique, philosophie, politique, religion, … La culture a perdu son pouvoir de subversion.

Conclusion :

La puissance de la critique de Marcuse est indéniable : les démocraties seraient selon lui des régimes autoritaires qui ne disent pas leur nom. C’est bien la disparition de la pensée dans la réalité matérielle qui est le centre de préoccupation des intellectuels d’aujourd’hui. Le mérite de Marcuse est de nous rappeler cette vérité : Penser, c’est nier.

 

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4 Comments

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  3. says: Georges S

    Il est evident que Marcuse n’a jamais lu le travail de Ludwig von Mises.

  4. says: Pierre Auréjac

    Il est évident que Georges S est un gros paresseux qui ne prend pas la peine de dire en très gros et en résumé aux ignares que nous sommes ce que racontait Ludwig von Mises.

    Bon, je vais aller voir, et je reviendrai quand j’aurais lu et compris. D’ici là, bon vieillissement à tous et toutes.

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