La philosophie de Bergson

Bergson philosophe

Bergson : une philosophie rationaliste et cartésienne

Hostile au positivisme matérialiste, Henri Bergson, philosophe vitaliste français, a opéré un retour aux données immédiates de la conscience, à une « durée » pure et qualitative.

L’intuition de Bergson :

L’influence de Bergson fut considérable. A la fin du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle, il remit en question à la fois les philosophies intellectualistes, qui prétendaient accéder au réel par l’exercice de l’intelligence, et les solutions « scientistes », selon lesquelles la seule connaissance valable serait celle que procurent les sciences.

Or, comment l’intelligence pourrait-elle nous faire saisir le réel ?

–          C’est dans le moule de l’action qu’elle a été coulée.

–          Elle ne désigne pas originellement une faculté purement spéculative, mais une puissance active.

–          Envisagée dans ce qui paraît en être la démarche première, elle consiste à fabriquer des objets artificiels et à en varier la fabrication.

–          Homo Faber (homme fabricateur) avant d’être Homo Sapiens (homme sage), l’être humain s’est d’abord efforcé de dominer la nature et de la faire servir à ses usages.

Aussi l’intelligence permet-elle de prévoir et d’organiser utilement l’action.

–          Mais quand un philosophe se propose de pénétrer l’Absolu (ce qui est parfait en ce qu’il est parfaitement ce qu’il est, ce qui ne dépend d’aucun symbole relatif), ne doit-il pas prendre une autre voie et tenter de s’abstraire de méthodes et d’approches essentiellement adaptées au monde de l’action ? (ex : l’analyse, opération ramenant l’objet à des éléments déjà connus, la recomposition…)

–          La science s’est appuyée sur l’intelligence et a appliqué à la matière des procédés de calcul et de mesure.

–          Ce faisant, elle a construit des schémas utiles et s’est prolongée en une pratique, mais elle n’a pas dépassée la sphère du relatif.

–          Elle a édifié des lois scientifiques, c’est-à-dire des relations constantes entre des grandeurs qui varient, sans évidemment, pénétrer l’Absolu.

Par quelle voie peut-on espérer atteindre l’Absolu ?

–          Il faut répudier non seulement l’intelligence, mais le langage, qui lui est intimement lié.

–          Instrument de l’intelligence, le langage représente un ensemble de signes verbaux ne notant des choses que leur aspect le plus commun et le plus banal, signes fixant et figeant ce qui change et varie.

–          Les signes linguistiques ne sont que des étiquettes collées sur les choses.

–          Les mots désignent des genres, des idées générales correspondant à un groupe d’êtres présentant des caractères communs. Ils ne peuvent exprimer ni le réel objectif ni notre psychisme profond : comme l’intelligence, ce sont des instruments d’action.

Dès lors, la voir de l’immédiateté ne possède-t-elle pas un privilège par rapport à celles du concept, du discours et de l’intelligence discursive ?

–          Par un mode de connaissance immédiat, direct, par une sympathie nous faisant coïncider avec ce que l’objet a d’unique et d’inexprimable, en un mot par une intuition, nous pénétrons l’être profond du réel.

–          L’intuition représente un retour vers soi-même et vers ce que nous sommes authentiquement, retour s’effectuant sans intermédiaires.

Bergson et la vie intérieure : durée, liberté, mémoire

C’est la vie intérieure que l’intuition va d’abord nous permettre de découvrir. Et, en effet, la connaissance intuitive nous fait retrouver la durée pure, forme que prennent nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs.

–          Déroulement fluide, hétérogénéité pure, fusion qualitative, la durée représente l’étoffe même de notre moi.

–          Un devenir ininterrompu, souple et qualitatif, voilà ce que nous dévoile une investigation métaphysique s’appuyant sur l’intuition.

Or, ce devenir qualitatif est toujours imprévisible. Car le moi fondamental, celui que nous révèlent les « données immédiates de la conscience », est liberté.

–          Si le moi superficiel, la partie de notre psychisme modelée par les conventions et la société, se ramène, bien souvent, à une suite d’automatisme, notre vie intérieure authentique, notre durée, sont en profondeur, liberté.

Quand sommes-nous libres ?

–          Quand nous dépassons la croûte superficielle du signe linguistique, des mots, du social, quand nos actes émanent de notre personnalité toute entière et l’exprime.

–          La liberté s’expérimente au contact de notre moi profond, par un accord réel avec lui.

–          C’est alors le moi d’en bas qui remonte à la surface. La liberté ne fait qu’un avec le jaillissement du moi profond.

Enfin, notre vie intérieure est mémoire. Ici, prend place la distinction célèbre des deux mémoires.

–          Il y a une mémoire-habitude, faite d’automatismes et de mécanismes moteurs : quand j’apprends un texte par cœur, j’accomplis et je répète un certain nombre de gestes connus ; la mémoire-habitude désigne un véritable mécanisme corporel.

–          Par opposition à ces automatismes, la mémoire pure est celle de mon histoire : le passé survit alors en moi, sous forme de souvenirs purs, inaltérables, indépendants du corps. La mémoire pure contient notre passé et elle représente notre essence spirituelle authentique.

Bergson et l’élan vital :

L’intuition nous ouvre, non seulement à notre dynamisme spirituel, mais aussi à la durée de l’univers et au grand souffle de la vie.

De même que notre expérience intérieure est faite de durée et de changements qualitatifs, de même qu’elle est tissée par des fils qui se développent sans cesse, de même la réalité est devenir et évolution.

Mais comment comprendre cette évolution ?

–          Bergson récuse aussi bien les doctrines et postulats mécanistes de Darwin que le finalisme.

–          Dans le premier cas (mécanisme), l’explication psycho-chimique est censée suffire, mais le mécanisme est aveugle à la poussée du vivant, au temps, au dynamisme. Avec le mécanisme, tout est donné et l’élan de la vie est mis entre parenthèses.

–          Mais la doctrine finaliste (qui renvoie à une intention et à un dessein s’actualisant au sein de la vie), met également le temps et le devenir créateur entre parenthèses : elle fait, elle aussi, comme si tout était donné initialement, par avance. Une intention préformée expliquerait tout.

Dès lors, c’est l’idée d’un élan originel qui s’offre à nous, les espèces vivantes ayant divergé à partir de cet élan.

–          L’élan vital désigne un processus créateur imprévisible, un courant traversant les corps qu’il organise.

–          Ainsi, cette impulsion originelle de création invente-t-elle des formes de plus en plus complexes.

–          Pour comprendre l’essence de cet élan vital, songeons à la durée pure, qui est spontanéité créatrice.

–          L’élan vital est lui aussi, invention : il réalise des instincts nouveaux, des organes qui n’existaient pas, créant, grâce à sa spontanéité, des formes complexes et inattendues, que de simples combinaisons mécaniques ne sauraient expliquer.

Ainsi, toutes les analyses de Bergson le conduisent à voir dans la vie un mouvement créateur et un effort pour remonter la pente que descend la matière.

Bergson, la Morale, la religion et l’art :

La même perspective dynamique éclaire les phénomènes moraux, religieux et artistiques. Est, ici, fondamental le terme « ouvert » :

–          Est « ouvert » tout ensemble échappant à l’étouffement d’un cercle de règles rigides s’ouvrant à l’élan de la vie et de la création.

–          Ainsi, dans la morale ouverte, est à l’œuvre un élan spirituel.

–          Alors que la morale close désigne seulement un ensemble figé de prescriptions présentant un caractère obligatoire, de simples produits organisés de la société, la morale ouverte est dynamique : elle exprime, non pas un système figé d’obligations sociales, mais une invention morale, un appel lié à une énergie spirituelle.

–          La morale ouverte du saint et du héros prend sa source dans un élan et une durée qui poussent en avant et ébranlent l’humanité.

–          De même, la religion dynamique, celle des grands mystiques, pénétrée d’un élan d’amour, transporte l’âme bien au-delà d’elle-même et dépasse ainsi infiniment la religion statique, invention de l’humanité pour se défendre et se prémunir contre l’idée dissolvante de la mort et assurer sa conservation.

–          La religion dynamique, saisie d’un contact avec la durée créatrice, apparaît expérience immédiate, en l’âme mystique, du Divin et de Dieu.

Enfin, comme la morale ouverte, comme la religion dynamique, l’art authentique désigne une coïncidence immédiate avec le réel, un dévoilement de la réalité même, une vision directe de ce qui est, au-delà des symboles pratiquement utiles.

Si la voix et la philosophie de Bergson ne se fait pas toujours entendre dans la culture et le monde contemporains, néanmoins, sa philosophie, d’inspiration mystique, a éclairé, en une prose limpide, de profonds dynamismes spirituels et renvoie à une expérience métaphysique intégrale. Qu’est-ce, dans cette perspective, que philosopher ? Se placer dans l’objet même par un effort d’intuition et coïncider avec lui.

Oeuvres de Bergson :

D’Henri Bergson, philosophe français, il faut citer essentiellement :

  • Essai sur les données immédiates de la conscience (1889)
  • Matière et mémoire (1896)
  • Le Rire (1900)
  • L’évolution créatrice (1907)
  • L’énergie spirituelle (1919)
  • Les deux sources de la morale  et de la religion (1932)
  • La Pensée et le Mouvant (1934)

Pour aller plus loin sur la philosophie de Bergson :

Citations de Bergson

Bergson et le Rire

 

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