Introduction
Formé en philosophie à l’école de Husserl et Heidegger, HANS Jonas s’intéresse à la gnose et à la vision cohérente du monde qu’elle développe. Par ailleurs, sa recherche se concentre sur l’évolution technologique de notre civilisation. Ces deux courants l’un moderne et l’autre antique, ont en commun d’innover sur le plan de l’agir. Sur ce, nous nous demandons quelle est le paradigme prôné par Hans Jonas à suivre dans ce processus de lutte ? Sans tarder, cette interrogation nous servira de fil d’Ariane afin d’appréhender un des facteurs importants de la pensée de HANS Jonas dans l’esprit de son principe responsabilité.
Le devoir-faire et le devoir-être
HANS Jonas défend l’idée selon laquelle nous avons des devoirs moraux envers les générations futures et envers la nature, d’où son souci d’une éthique pour la civilisation technologique. Il propose donc une nouvelle règle morale qui consiste en une reformulation de l’impératif catégorique d’Emmanuel KANT « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine ».Cet impératif doit alors nous conduire à adopter des modes de vie qui cessent de détruire la planète.
Cependant, HANS Jonas pense que cette responsabilité face à l’ère technologique est commune ou collective. Il stipule que « le concept de responsabilité implique celui de devoir, pour commencer celui du devoir-être de quelque chose, ensuite celui du devoir-faire de quelqu’un en réponse à ce devoir-être. Le droit interne de l’objet a donc la priorité »[1]. Par conséquent, être responsable, c’est être la cause active de ses actes et de leurs conséquences.
Le pouvoir technologique comportant une part de menace pour la nature, la responsabilité de l’homme est engagée et la conception idéaliste de la conscience doit faire place à une philosophie de la nature. De la sorte, ‘’le principe responsabilité’’ de HANS Jonas devient « décisif pour déterminer les enjeux éthiques des nouvelles formes d’agir produites par la civilisation technologique »[2].L’éthique n’est plus seulement anthropocentrique, conduite par le seul intérêt de l’homme. C’est l’intérêt de la biosphère qui passe au centre de l’éthique. Le bien de l’homme est englobé dans le bien de la nature elle-même qui ne peut plus, de ce fait, être regardée comme neutre ou sans finalité propre.
Vers une sagesse éthique
Cette responsabilité collective dont souligne HANS Jonas est comme une interpellation à la prévision et à la sagesse dans l’exploitation technologique et scientifique qui affaiblissent notre planète. Il faut, cependant, prendre une certaine mesure de précaution en ayant à l’esprit l’avenir des générations futures. A cet effet, il est nécessaire de distinguer entre les fins et les valeurs car la technologie et la science risquent de compromettre la sacralité de la nature aussi bien que la vie humaine. Ce facteur de développement et de transformation n’est pas toujours sûr et pour ce fait, Hans Jonas affirme qu’à cause de cette incertitude de la technologie « il faut davantage prêter l’oreille à la prophétie de malheur qu’à la prophéties du bonheur »[3]. Autrement dit, il faut plutôt s’attendre et examiner la portée du progrès technologique de loin afin de savoir s’il ne s’accompagne pas d’effets néfastes qu’au lieu de se réjouir du bonheur qu’il procure ou qu’il procurera.
C’est la conscience de la fragilité de notre environnement et celle de l’homme dans son avenir qui conduit la réflexion de HANS Jonas. Il déclare que « la responsabilité est la sollicitude, reconnue comme un devoir, d’un être qui, lorsque sa vulnérabilité est menacée devient un ‘’se faire du souci’’(…).Le respect et le frémissement doivent eux aussi être réappris afin qu’ils nous protègent des aberrations de notre pouvoir »[4].Les dimensions excessives de la civilisation scientifique-technique-industrielle sont à l’origine de cette menace, sous le signe de la démesure .L’afflux des biens lié à notre monde de consommation exige un ‘’toujours plus’’ qui s’accompagne nécessairement d’un pillage toujours plus effronté de la planète.
Conclusion
En somme, HANS Jonas dénonce une foi aveugle qui lie expérience du monde et progrès technique, parce que les technologies actuelles sont devenues autonomes au lieu de respecter les finalités propres de la nature. Elles ont réduit celle-ci à l’état d’objet que l’on violente sans scrupule. Ce découplage entre la logique du progrès et ce qu’on pourrait appeler la sagesse propre à la nature est porteur d’une menace grave pour l’avenir de l’humanité. C’est pourquoi il faut faire appel au sentiment de responsabilité.
Par MBAÏLASSEM Désiré
Notes
[1] HANS Jonas, le Principe Responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, les éditions du cerf, 29bd Latour-Maubourg, Paris, 1995.p.180
[2] Ibid., op.cit., p.11
[3] Ibid., op.cit., p.54
[4] Ibid., op.cit., p.301-302