Démocratie d’opinion : quelle place pour l’opinion ?
On entend souvent dire que l’opinion publique n’existe pas. Il s’agit d’une manière subtile de dire que les masses, le public ne doit pas participer aux affaires publiques, encore moins à la politique. Face à cette thèse de l’incompétence publique, certains défendent l’omnicompétence du public: le public sait tout sur tout. L’abus est le point commun de ce débat sur la démocratie participative et la démocratie d’opinion.
Dewey, un pragmatique américain du début du XXème, a essayé de penser différemment. Dans Le public et ses problèmes, Dewey plaide pour la formation du jugement des masses. Car pour lui, la compétence du jugement n’est aucunement une aptitude naturelle, inscrite dans la nature humaine. Elle est plutôt directement corrélée aux conditions sociales qui la favorise ou la défavorise. L’irrationalité et l’ignorance du public ne sont ni définitives, ni irrémédiables: les individus ne sont ni omnicompétents, ni naturellement aptes à juger en toutes choses.
Le discernement et la lucidité ne sont pas des propriétés innées, mais acquises tout au long de la vie du citoyen, ils constituent des habitus intellectuels.
Quelle rôle pour les sondages en démocratie d’opinion ? La réponse de Dewey
Ceci posé, il faut, selon Dewey, que les individus prennent conscience de leur appartenance au public des citoyens, il faut “reconstruire” le public. Ici apparaît la notion “d’enquête sociale”, ancêtre de nos sondages.. Celle-ci consiste à recueillir les opinions et les pensées des individus, puis à les publier de manière totale à l’ensemble du public. Cette enquête, qui doit être « contemporaine et quotidienne » , et menée par des experts, permettra, selon Dewey, de transformer l’opinion isolée et individuelle en opinion publique et de rendre continu et pérenne le public :
« Seule une enquête continue – continue au sens de persistante et connectée aux conditions d’une situation – peut fournir le matériel d’une opinion durable sur les affaires publiques » .
Ainsi définis, les sondages sont dédiabolisés : ils remplissent une vraie fonction citoyenne, loin de la société des experts ou de la théorie du complot. Pour conclure, les sondages ne sont pas la démocratie d’opinion, au contraire, il permettent de construire une opinion publique participative, inverse de l’opinion publique sondagière. Ces leçons de Dewey devraient inspirer les grands partis politiques, au premier titre le Parti Socialiste.
sondages et démocratie font mauvais ménage. les politiques en consomment trop, cela fait la fortune des instituts de sondags privésquelle honte !