La démocratie chez Platon et Aristote

Platon/Aristote : le débat des Anciens (Aristocratie contre Démocratie)

La question du meilleur régime est au cœur de la réflexion et la philosophie politique des deux Anciens. Plusieurs dialogues de Platon (La République ou Le Politique) et d’Aristote (La Politique) traitent en profondeur la question. Il est difficile de résumer en une phrase la pensée politique de Platon et d’Aristote, cependant il est possible d’avoir plusieurs niveaux de lecture politique de leur œuvre :

  • Qu’est-ce que l’homme ? Quelle est l’essence de l’humanité ?
  • Qu’est-ce qu’un régime juste ? Quelle doit-être son organisation ? Qui doit gouverner ? Qu’est-ce que le savoir ? Qui détient la compétence, l’art politique ?

On répondant à ces deux questions, les lignes de fractures entre les deux philosophes apparaîtront.

L’homme

1/ Partons de l’idée d’homme, du concept de l’humanité chez chacun des deux car c’est partir de leur conception de l’homme que les philosophies construisent leur modèles théoriques (en ce sens, toute philosophie recouvre une philosophie de la subjectivité) :

– chez Platon, l’homme est divisé en trois parties : l’une est composée des désirs, c’est la partie la plus animale, la plus domestique de l’homme, la seconde est le courage, le coeur, la recherche de l’action noble et la dernière est la tête, siège du savoir et de l’intelligence. Pour Platon, si tous les hommes sont de cette façon tripartite, il existe des inégalités dans la répartition de ces attributs : certains sont dominés par la recherche de la gloire, d’autres part leurs talents domestiques et d’autres enfin par leurs capacités à raisonner justement.

– Le point de départ d’Aristote part au contraire de l’universalité de la rationalité. Pour le disciple de Platon, aucune discrimination dans la possession de la raison. Même les barbares sont dotés de la rationalité : “L’homme est un animal rationnel, nous dit Aristote, mais il est aussi un être faible dans sa solitude : c’est pourquoi il a besoin de vivre en communauté politique (polis).

Première différence fondamentale donc entre Platon et Aristote : le premier pense la différence comme inhérente à l’humanité, le second pense l’égalité. Ce point de départ irradie le reste de leur pensée politique.

Quel est le régime le plus juste ?

2/ Qu’est-ce qu’un régime juste ? Quelle doit-être son organisation ? Qui doit gouverner ? Qu’est-ce que le savoir ? Qui détient la compétence, l’art politique ?

Chez Platon, les 3 parties de l’homme (besoins, cœur, savoir) correspondent à trois classes dans la société. Les premiers sont les paysans, les artisans, les commerçants qui excellent dans la conduite de la vie domestique.
Les seconds sont la classe des guerriers, chargés d’assurer la défense et qui veulent se distinguer par leur bravoure.
Les derniers sont les détenteurs du savoir, à savoir les philosophes.

La séparation des rôles induit chez Platon une hiérarchie des classes sociales. Pour lui, les philosophes (c’est la fameuse théorie du philosophe-roi) doivent diriger la cité. Les guerriers la défendre et le peuple la nourrir.

D’où vient cette hiérarchie ? Elle provient du rapport au savoir de chaque classe sociale. Le peuple est guidé par l’opinion (la doxa) et les illusions et ne peut donc décider rationnellement pour conduire les affaires de la Cité. Les guerriers recherchent la gloire, Platon leur reconnaît de la noblesse, mais une irrationalité car ils se fondent sur leur force physique essentiellement. Enfin, les philosophes sont dans un rapport intime avec le savoir, ils y consacrent toute leur activité. Il est donc logique, pour Platon, de leur confier les rênes de la Cité.

Ainsi apparaît la notion de Justice chez Platon : la société juste est celle qui met chacun (peuple, guerriers, philosophes) à sa place.
Chez Aristote, au contraire, la société n’est divisée qu’en deux classes, les riches et les pauvres. Nous l’avons dit, Aristote attribue à chacun la même faculté à raisonner. Or, s’il ne nie pas qu’il faille être très rationnel pour conduire une Cité, il répond que c’est en additionnant les rationalités individuelles que l’on peut obtenir une rationalité collective, un “super-rationalité” en quelque sorte. C’est pour cette raison que les pauvres, nécessairement plus nombreux, doivent gouverner : Aristote se prononce ainsi en faveur d’une démocratie. Cette égalité dans l’exercice de la raison a une conséquence évidente : l’égalité des droits politiques.
Aristote défend un régime ouvert aux citoyens libres (ce qui exclut bien sûr les esclaves et les barbares) ce qui chez lui est à la fois une condition et une finalité de la démocratie. Pour Aristote, la démocratie repose sur le gouvernement de chacun par tous et de tous par chacun à tour de rôle.

Cependant, il met en garde la démocratie contre deux dérives en particulier :
– la démocratie populaire qui signifie l’accaparation du pouvoir par les pauvres et l’oppression des riches. Ici, il ne faut jamais perdre de vue le principe républicain : tout pouvoir doit s’exercer au service de l’intérêt général.
– la démagogie, qui vient donner l’illusion au peuple qu’il gouverne : pour substituer la souveraineté des décrets à celle des lois, les démagogues attribuent toutes les affaires au peuple ; car leur propre puissance ne peut qu’y gagner. Ils ont l’air de laisser à la foule la décision ; mais en réalité ayant capté la confiance de la multitude ce sont eux qui gouvernent sous le couvert de la volonté populaire.

Chez Platon, le régime idéal est une aristocratie où le savoir et la raison dominent. Tous les autres régimes (ploutocratie, démocratie, monarchie, …) sont écartées par Platon car ils négligent la place du savoir. Pour résumé, c’est la théorie de la subjectivité de Platon qui le conduit à une position politique élitiste.

Chez Aristote, le pouvoir vient d’en bas et est exercé au nom de tous. C’est au fond une démocratie assez moderne, où les positions sociales sont ouvertes, où le pouvoir s’auto-contrôle, où la gouvernance est respectée. En cela, Aristote est sans doute le fondateur de l’humanisme politique.

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41 Comments

  1. says: Anonymous

    merci de ce billetmais il y manque la relation aux présocratiques, qui est une période très intéressante

  2. says: Anonymous

    quelle idiotie !platon est un penseur aussi réaliste qu'aristote.C'est un cliché de voir aristote comme le penseur qui a les pieds sur terre que platon comme un philosophe idéaliste. Aristote a été le disciple de Platon. De toute façon, tout a été dit par Socrate, leur maître à tous les deux !

  3. says: Anonymous

    platon aristote sont deux philosophes qui n'ont rien apporté à la pensée politiqueil faut arrêter de les étudier.Marx est l'horizon indépassable de la philosophie politique !!!

  4. says: Anonymous

    démocratie selon aristote est plus moderne que chez rousseau, contrairement aux préjugés

  5. says: Anonymous

    l'influence de platon et aristote sur les penseurs est énorme. pourquoi ne pas le dire ??

  6. says: Anonymous

    platon, aristote et tous les anciens sont à oublierla question du régime idéal, comme l'a compris rawls et habermas, est dépassée. Il faut composer avec le réel tel qu'il est

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  10. says: Anonyme

    Quand l’élégance de style et l’intelligence se marient, cela fait des ravages ! A une ou deux exceptions, la majorité des remarques postées dégueulent de clichés bon marché ! Ce ne sont que remarques d’adolescents boutonneux qui pensent avoir digérer et dépasser les pensées d’hommes illustres… ou des remarques de philosophes du comptoir qui ont à peine survolé deux ou trois livres de philosophie dans leur vie et qui pensent être en mesure d’en faire la critique soutenue et raisonnée avant toute compréhension profonde et respect profond de l’oeuvre et de son auteur. Si vous avez passé votre vie à lire de la philosophie pour n’en témoigner que quelques remarques bouleversantes d’idiotie, rendez-vous sur le site info de tf1, dans la rubrique commentaires de la page politique : Avec d’autres idiots, vous ferez le monde à votre façon… et surtout vous nous ferez marrer ! Démocratie tous égaux ? vous cumulez vision platonicienne et aristotélicienne… paysannerie et pauvreté si vous préférez…

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  13. says: francoise nathalie abitamba bassa

    Je ne viendrai pas ici comme certains m’ériger en critique; car je ne le suis pas! je pense que les uns et les autres devraient faire montre d’humilité intellectuelle en reconnaissant et même en donnant aux humanités grecques la place qui est la leur. Il ne saurait avoir de création ex-nihilo; de ce fait, si nous parlons de politique aujourd’hui, c’est parce qu’avant nous, il y’a eu de doctes personnes pour en discuter plus encore, poser les jalons. Il est donc nécessaire que l’on s’entoure d’une certaine garantie, assurance intellectuelle avant d’en placer mots.

  14. says: phoenix

    on dira de platon qu il est idealiste,mais dans le fait, il est realiste en ce sens qu il se soucie de l ordre sociale.en democratie n importe qui peut pretendre savoir gouverner.car tout le monde pense etre doue pour gourverner. ce qui entraine le desordre sociale occasionne par l infiltration d incompetents au sein gouvernement.

  15. says: senateur benji

    merci pour ce que vous faites pour nous initier à la philosophie. je suis un néophyte il nous manque parfois ces élément de base pour comprendre les contreverses entre auteurs

  16. says: alexis mano

    passable mais il manque les details sur aristote.la theori platonicienne est assez ideale. la plotique est plus pratique. il ya un ecart grand entre l’aristocratie et la vie réeele

  17. says: Anonyme

    Les idées Marxistes? Indépassable? Oui, bien sur, côté idéologie et rêverie infantile il était bon. Il n’a rien apporté de plus au répertoire des philosophes communistes ( chute de l’URSS en 1989…Marx n’a pas sauvé le pays). Méditons là dessus.

  18. says: Anonyme

    J’AIME TROP L’ARTICL ET J’AIME BIEN LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE PLATON SURTOUT SA NOTION DE LA JUSTICE MET CHACUN A SA PLACE

  19. says: Boukary sidibe

    la democratie comme l’a critiquer Platon reflète belle et bien notr societés.IL s’agit seulement de régarder la gestion de la plupart des Africains pour trouver la réponse

  20. says: Anonyme

    La democratie est un pouvoir de pauvres et riches, lettrés et illettrés où tout le monde est pris au meme pieds d’egalité si platon a preferé l’aristocratie il a parfaitement raison car celui qui n’a pas la sauf du pouvoir,une fois au pouvoir travaillera pour l’interet commun.<>

  21. says: Wahab g k

    Ttes nos profondes reconnaissances car a chaque epoque sa realite(la roue tourne).plus,cela m’ecoeur dentendre dire de nimporte quoi sur qui que ce soit.

  22. Ping : La République de Platon (Analyse & Résumé)
  23. says: Anonyme

    Aristote, disciple de Platon devrait apporter une nouvelle touche par rapport à son maître. Avant de dire quelques choses sur la politique de Platon et celle d’Aristote, nous devons poser cette question : comment a été la démocratie avant et après Platon?

  24. says: Yamkaye

    En un mot voilà ce que Platon veut nous faire comprendre chers internautes:”Que nul ne vienne en politique que:
    1- s’il n’est intelligent (plein de bon sens et capable de tracer le plus court chemin qui puisse conduire le peuple qu’il désir gouverner vers son bonheur)
    2-S’il n’est égoîte( qui ne pense pas qu’à lui même,sa famille et ses proches.)

  25. says: konan kouame samuel

    grâce à la philosophie, je connais un éveil presque définitif de ma conscience

  26. says: PIERRE Job

    Cet article m’a beaucoup appris. Aussi, mes remerciements s’adressent-ils à la personne qui l’a écrit. Cependant, je voudrais poser une question. Est-ce qu’il n’y a pas une différence entre régime politique et système politique? La démocratie, tyrannie,Monarchie , Aristocratie…ect. sont-elles des régimes ou des systèmes politiques?

  27. says: Lynch

    Ils n’ont rien apporte a la pensee politique!! Comment peut-avancer une chose pareille! Je dirais que la pensee platonicienne a beaucoup a voir avec le despostime eclaire. Quant a Aristote, ses idees dominent encore la pensee politique, comme le dit si bien l’article. Apres, ce ne sont pas leur faute s’ils sont nes avant J.C – des siecles avant Marx!

  28. says: jean BORDES

    Une analyse claire du rapport de ces deux géants au politique. En peu de mots tout est dit. Bravo!

  29. says: HOUNGBEDJI Gracia

    Ce post m’a permis de faire une grande différence d’idée entre ces deux penseurs politiques. Merci a vous

  30. says: entoane guairin

    fort nice ce développement moi du quebec je m’en suis inspiré pour une anthologie cela fut de grande utilité pour ma personne vraiment nice

  31. says: Schopenhauer Arthur

    La figure d’un philosophe aristotélicienne est celle d’un philosophe total. La pensée d’Aristote a rayonne pendant des siècles jusqu’à nos jours

  32. says: Gims Azo

    Pourquoi soutient tu donc cette thèse ? Ne sais tu pas que aller à l’école c’est étudier Aristote ?

  33. says: Greenbat85

    Dans la partie à propos d’Aristote, cet article met un peu trop l’accent sur la démocratie, non ? Il ne s’agirait pas non plus de faire d’Aristote un fervent défenseur du régime démocratique, même s’il lui accorde de contenir une solution au problème de la répartition des richesses ; il en était aussi très critique. Et son régime idéal, la « politie », était au delà de ce régime, un mix d’oligarchie et de démocratie dont le conflit serait arbitré par la classe moyenne (qu’il souhaitait majoritaire). Cela aurait permis selon lui d’éviter tout à la fois la violence civile et la tyrannie.

    Je me permets une ouverture :
    Le régime politique de la cité de Carthage (sous le règne de Didon, s’il n’est pas trop légendaire) peut-il être rapproché de cet idéal qu’avait Aristote d’un gouvernement mesuré qui serait régi par les différentes classes de la société ?

  34. says: Jean

    Il faut bien préciser que la notion de “démocratie” couvre des types de régimes fort différents de ceux que nous connaissons. Bien évidemment, la démocratie athénienne (tirage au sort, non séparation nettes des pouvoirs, pouvoir réservé aux seuls “citoyens” athéniens, soit le quart de la population athénienne, la classe moyenne dirions-nous aujourd’hui!) n’est pas la démocratie représentative telle qu’elle fut élaborée en Amérique et en Europe au 18ème s. Celle-ci a encore notablement évolué et a des caractéristiques très variables d’un pays à l’autre. Ce qui est intéressant chez Platon comme chez Aristote, ce sont les questions qu’ils se posent sur les régimes politiques et les impasses (démagogie, tyrannie populaire, danger des foules, etc. ) auxquels ils peuvent aboutir (tyrannie engendrée par la démagogie des Sophistes)… Bref, l’intérêt est peut-être plus dans le débat qu’ils ouvrent, les “tâtonnements” géniaux qui caractérisent ces grands penseurs (Socrate pose des questions!) qui ne cessent de s’interroger plutôt que dans une opinion affirmée qui résumerait leur pensée (Platon soutient certes une vision plutôt aristocratique; Aristote, un point de vue plus “citoyen” mais… à nuancer, bien sûr, car aucun régime, dans ce monde, n’est parfait… et ils en avaient conscience).

  35. says: Jean

    La notion de démocratie devrait aussi être définie. Ce terme est d’ailleurs, encore aujourd’hui, objet de multiples définitions; en Europe, les systèmes démocratiques diffèrent aussi notablement ( élections à la “proportionnelle”, à la majorité, rôle du Parlement, etc.). Il est évident que ce système politique tel qu’il était conçu par les Grecs était fort différent de celui que l’on connaît aujourd’hui: système réservé aux seuls citoyens grecs (soit le quart de la population d’Athènes au 5ème s. avt J.C.!), tirage au sort (et non élection), non séparation des pouvoirs… Ce n’est qu’à partir du 18ème s. que s’installe, très progressivement, le système de la représentation démocratique par élections… et via des élites. Quant à la séparation des pouvoirs, elle a été théorisée par Montesquieu. .. On voit donc pourquoi Platon se méfiait – à juste titre – de ce que l’on entendait, à son époque, par “démocratie”: manipulation de la foule (rôle des sophistes, maîtres de la rhétorique), méconnaissance des priorités politiques, défense des seuls intérêts individuels (chaque “classe” ne voyant que ceux les concernant)…

  36. says: CUEFF

    Un peu à la façon d’un chirurgien dans une salle d’opération . Il n’attend pas l’approbation de tous ses collègues pour décider des suites à donner .
    Même situation pour un pilote d’avion,

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