Tous ces regards qui me mangent. […] Pas besoin de gril, l’enfer c’est les autres.
Présentation
Huis Clos est l’une des plus belles pièces de Sartre. Elle est aussi la plus jouée de son oeuvre de théatre. Sartre y traite de la question du rapport à autrui (ou intersubjectivité), traduisant ses essais philosophiques (L’Etre et le Néant notamment) sur la question.
L’action se déroule en enfer, un enfer très ressemblant du monde réel. Trois personnages se retrouvent dans ce microcosme. De prime abord sans lien entre eux, il s’avère que leurs histoires sont intimement liées, les uns aliénant les autres, amenant à la fameuse conclusion de l’un des personnages (Garcin) : l’enfer, c’est les autres.
Les trois personnages
Garcin est journaliste. Il a été fusillé pour son pacifisme. Il se croit héros, la pièce le révélera plutôt perfide et nuisible.
Inès est lesbienne. Elle s’est suicidée par le gaz.
Estelle est une mondaine, épouse d’un vieil homme riche. Elle a été la maîtresse d’un jeune homme et a commis un infanticide, avant de décéder d’une pneumonie. Elle est aussi une menteuse pathologique.
Résumé de Huis Clos de Sartre
La pièce s’ouvre avec Garcin et un valet dans un salon de style Second Empire. Mais ce n’est pas un salon ordinaire: il représente l’enfer, juste après sa mort. Garcin découvre rapidement que cet enfer n’a que l’apparence de la vie normale : il n’a pas ses objets du quotidien et n’aura pas besoin de dormir. En fait, il n’y a qu’une seule activité possible : vivre, sans interruption. On voit dès l’entrée de la pièce, les thèmes sartriens : le besoin d’autrui pour se définir (Garcin dépend des réponses du valet), la critique de la religion (qui fait d’en bas l’enfer, dans Huis Clos c’est la vie qui est “en bas”).
Puis arrive Inès, le second personnage introduit en enfer. Celle-ci est la torture de Garin, sa pénitence ; leur relation est d’emblée fondée sur la méfiance et la distance, chacun pensant que l’autre est la cause de sa présence en enfer. Arrive enfin Estelle. Tous trois, en évoquant les circonstances de leur décès, comprennent peu à peu pourquoi ils ont été réunis : le rôle de chacun est d’être le bourreau des deux autres. Ils échaffaudent des plans infructueux, comme essayer de s’ignorer, mais leur simple présence suffit à se rendre insupportables. Là aussi, on retrouve le thème sartrien de la chosification : autrui, par son regard, me donne un dehors, m’emprisonne dans une essence (l’étiquette de “lâche”, de “lesbienne” ou de “mondaine”) bref m’objective. Estelle tente même de poignarder Inès, sans succès : ils sont éternels, éternellement ensemble, pour le pire. L’enfer, ce sont les autres.
Conclusion
Autrui peut tenter de m’objectiver, mais ne peut me voler ma liberté : Huis Clos est au centre de l’existentialisme sartrien. L’angoisse que nous ressentons lorsque nous sommes confrontés à l’univers immense et sans signification est quelque chose que Sartre appelle «nausée». Pour combattre cette «nausée», l’homme peut utiliser sa liberté – liberté de pensée, de choix et d’action. Mais une fois que l’homme a choisi, retour en arrière possible : chaque choix laisse une empreinte. Dans Huis Clos, Sartre pousse cette idée à son extrême : contempler sa vie est une forme de torture. Pour autant, lire Huis Clos comme une pièce pessimiste serait une erreur : l’homme doit choisir, et faire des choix qu’il peut assumer pour l’éternité (ce qui n’est pas sans lien avec le thème de l’éternel retour chez Nietzsche). Huis Clos invite ainsi plus à faire quelque chose de sa vie qu’à la subir.
Citations
- Est-ce que c’est possible qu’on soit lâche quand on a choisi les chemins les plus dangereux ? Peut-on juger une vie sur un seul acte ?
- Je n’ai pas rêvé cet héroïsme. Je l’ai choisi. On est ce qu’on veut.
- Je voulais être un homme. Un dur… Est-ce que c’est possible qu’on soit un lâche quand on a choisi les chemins les plus dangereux ?
- On meurt toujours trop tôt – ou trop tard. Et cependant la vie est là, terminée; le trait est tiré, il faut faire la somme. Tu n’es rien d’autre que ta vie.
- Aucun de nous ne peut se sauver seul; il faut que nous nous perdions ensemble ou que nous nous tirions d’affaire ensemble.
Suijet bac
Examain
J’ai aimé comment Sartre explique une théorie philosophique (l’existentialisme et le jugement de l’autre sur soi) dans une pièce de théâtre. Cela se lit en deux ou trois heures à peine.
Excusez-moi je tenais simplement à préciser qu’Ines ne s’est pas suicidée par le gaz. C’est Florence, son amante qui a ouvert le gaz durant la nuit ce qui les a tuées toutes les deux.
merci pour votre travail abattu. c’est utile pour moi puisque je n’arrive pas à trouver et lire l’œuvre en question. avec cette étude j’ai une idée serviable
Très bon récit de la pièce.
Exacte. Pour moi Inès ne peut supporter qu’on puisse l’aimer pour elle même puisque la société la juge comme une damnée à cause de son orientation sexuelle. Florence en ouvrant le gaz pour toutes les deux veux lui prouver son amour.