L’utilitarisme a été fondé par l’anglais Jérémy Bentham. Très populaire et aujourd’hui sans doute dominant, cette philosophie morale vise à rendre accessible le bonheur.
Il part du simple constat que le souci brutal et irréfléchi du plaisir conduit souvent à des actions immorales mais se solde aussi par plus de souffrances que de joies. Il faut donc, pour servir son intérêt et son plaisir, réflechir et calculer son intérêt. C’est la fameuse “arithmétique des plaisirs” qui intervient alors. Pour faire son bilan moral, il faut littéralement “calculer” les plaisirs sur toutes leurs dimensions :
- l’intensité : il faut préférer les plaisirs intenses aux plaisirs tièdes
- la durée : il faut éviter les plaisirs éphémères
- la proximité : un plaisir à portée vaut mieux qu’un plaisir lointain
- la certitude : il faut renoncer aux désirs improbables
- la fécondité : un plaisir générant d’autres plaisirs
- la pureté : un plaisir est pur quans il n’est pas mélangé de douleur
- l’étendue : le nombre de personnes impliquées par mon plaisir
Par le calcul des plaisirs, Bentham montre que les vertus traditionnelles donnent des plaisirs plus purs, plus durables, plus féconds, plus étendus que les vices opposés.
Critique de l’utilitarisme
Cette arithmétique repose sur le postulat contestable que “le bonheur est la plus grande somme de plaisir diminuée de la plus petite somme de douleurs dans une existence complète”.
Or, en réalité, plaisir et bonheur ne sont pas des données homogènes et comparables. Ils sont pas sur le même plan. Je peux être très malheureux et cependant éprouver de plaisir à boire un verre avec des amis. Je peux au contraire me sentir très heureux sans ressentir de plaisirs particuliers. D’ailleurs, les individus les plus malheureux ne sont-ils pas aussi ceux qui se noient le plus facilement dans une quête de plaisirs ?
D’autre part, Bentham élude la question de la compatibilité des calculs entre individus, pensant que les intérêts se concilient spontanément (postulat proche du libéralisme économique de Smith). Or, la simple observation des conflits de classe suffisent pour se rendre compte de la naïveté de ce postulat : les individus poursuivent des intérêts antagonistes. La société est une lutte entre les intérêts.
Au final, la morale utilitariste singe la morale, il s’agit en définitive d’un égoïsme bien pensé qui se fait passé pour de l’altruisme. Prôner l’utilitarisme revient à valoriser le principe de plaisir au détriment du principe de réalité. or, il semble que la morale soit le résultat d’un compromis, d’un équilibre entre les deux tendances de l’humanité.
John Rawls, dans Théorie de la Justice, reprochera aussi la coût social exorbitant de cette théorie : fonder la justice sur l’utilité sociale des individus revient à différentialiser, à créer une hiérarchie des membres d’une société, autrement dit à contester les droits de ces derniers. L’individu est alors sacrifié sur l’autel d’un “bien commun” imaginaire.