Totalité et Infini : l’éthique, la philosophie première
Emmanuel Lévinas est un des grands penseurs du XXè, mais la complexité de sa pensée, au même titre que celle de Heidegger, empêche une réelle propagation/démocratisation de son œuvre. L’un de ses ouvrages les plus importants est Totalité et Infini : Un essai sur l’extériorité. Dans ce dernier, Lévinas, selon une méthode phénoménologique, décrit comment la subjectivité naît de l’idée d’infini, et comment l’infini est un produit de la relation de soi à l’autre.
Son projet, en définitive, est de poser le primat de l’autre sur soi, afin de poser une morale inconditionnelle et fondée sur l’épiphanie du visage. Autrui me constitue et me fait responsable de lui. L’infini, c’est autrui qui me rencontre. Autrement dit, l’infini est le point de départ de la morale, son fondement. Cet infini est irréductible à un savoir, à toute connaissance des principes. Lévinas refuse tout intellectualisme moral. Pourtant, Lévinas admet que l’homme n’est pas spontanément moral, il doit être éveiller à l’éthique : c’est le désir d’autrui.
Ainsi, Lévinas fait de l’éthique, du rapport à autrui, la philosophie première. Il s’agit donc d’un renversement de l’approche ontologique du sujet.
Mais la perspective ultime du projet lévinassien est celui d’une radicale transcendence, celle de Dieu.
Levinas, du même à l’autre
Levinas affirme que l’ontologie édicte une relation avec l’être qui réduit l’autre au Même. Au lieu de cela, Levinas adopte une approche qui ne réduit pas l’autre au même, mais qui considère la séparation entre le même et l’autre comme inhérente à la relation avec l’Être.
Selon Levinas, l’extériorité consiste à savoir comment l’individu fini se transcende dans l’infini. L’extériorité est une relation par laquelle le moi est séparé de l’Autre. L’extériorité est une relation où l’être de soi et l’autre ne peuvent pas être totalisés ou fusionné à l’infini, car ils sont absolument séparés.
L’extériorité est le produit de l’intériorité. L’Intériorité est un rapport subjectif dans lequel un être fait référence à lui-même. La subjectivité permet au soi de se considérer comme séparé de l’Autre. L’extériorité est un état d’être dans lequel le soi ne peut être fusionné en une totalité.
Le soi doit être séparé de l’autre afin d’avoir l’idée de l’infini. L’idée de l’infini est en soi une forme de transcendance de la relation à l’Autre. C’est l’idée de l’infini en moi que me sauve du solipsisme et m’ouvre à l’extériorité.
L’Autre est absolument autre que le Même. L’Autre est tout autre que soi-même. L’Autre est une réalité infiniment transcendante.
L’idée de l’infini exige la séparation du Même et de l’Autre. Cette séparation est une chute du même et l’autre à partir de la totalité.
Levinas fait la distinction entre l’idée de totalité et de l’idée d’infini. L’idée de la totalité cherche à intégrer l’autre et le même dans une totalité, alors que l’idée d’infini maintient la séparation entre l’autre et le même. Selon Levinas, l’idée de totalité est théorique, alors que l’idée d’infini est morale.
L’importance du visage
Le visage de l’Autre est la manière dont l’Autre se révèle à soi-même. Le visage de l’Autre est l’extériorité de son être. Le visage à visage est une relation éthique, et appelle la liberté de soi à la responsabilité. Levinas explique que le visage de l’Autre parle à soi-même. La langue commence par la présence du visage, avec l’expression. La langue est un système d’interaction dans lequel la signification est dérivée du visage de l’Autre. L’Autre est le signifiant, qui se manifeste dans le langage par la production de signes, lesquels proposent la réalité objective ou thématisent le monde. Mais l’Autre lui-même ne peut pas être thématisé. La thématisation est une forme d’objectivation : or l’Autre est irréductible, définitivement sujet, infiniment autre.
Le visage, cet absolument autre, n’est pas une négation de soi. La présence de l’Autre ne contredit pas la liberté du soi. Je peux tuer l’autre, mais son visage me renvoie à ma responsabilité.
Conclusion sur Totalité et Infini de Lévinas :
Totalité et Infini est un travail profond et exigeant. Levinas y exprime un point de vue intéressant sur le problème de l’aliénation moderne en ce qu’il explique comment la séparation peut être comprise comme une condition fondamentale de l’être.
Extraits de Totalité et Infini :
– Autrui ne nous affecte pas comme celui qu’il faut surmonter, englober, dominer, mais en tant qu’autre indépendant de nous, auquel nous avons accès originellement par la justice ou l’injustice. L’accueillir, ce n’est pas le connaître, c’est le laisser venir à partir de la parole. Pour son visage, toute l’humanité me regarde, me commande et me juge. Mon moi se vide, ma responsabilité déborde, il faut que j’aille vers la bonté.
– L’épiphanie du visage ouvre l’humanité et m’invite à la prédication, l’exhortation, la parole prophétique. Par le langage, elle instaure une communauté humaine où les interlocuteurs restent absolument séparés, mais fraternels.
– L’érotique fait entrer le sujet dans une relation imprévisible en logique formelle. La réalité ne peut plus être découpée en oppositions comme genre/espèce, partie/tout, action/passion ou vérité/erreur. Il ne suffit pas de dire que l’élan vital se propage à travers la séparation des individus. Il faut observer que, dans la relation, quelque chose demeure autre, sans jamais se convertir en “mien”. Autrui (le féminin) est présent dans la volupté, mais absent dans l’ordre du savoir ou du pouvoir. La sexualité est la pluralité même de notre exister. Sa fécondité se libère des limitations biologiques, et trouve dans la paternité un débouché ontologique.
Bonjour,
Futur khagneu, j’ai un certain nombre (pour ne pas dire beaucoup) de bouquins à lire/ficher cet été. Auriez vous une liste des chapitres incontournables à la compréhension de la thèse, maîtrise du livre en général et à la construction d’une fiche efficace ?
Merci beaucoup pour votre travail sur ce site
Cordialement
On ne peut approcher la pensée “désarçonnante” de Levinas qu’en ayant à l’esprit son histoire personnelle, à méditer : ravages des totalitarismes, imprégnation de la Bible.
Levinas ou Lévinas??